mercredi 21 août 2013

Maboa (Obama et nous Sous la cordination de BARNABE-AKAYI)



De Anicet Fyoton MEGNIGBETO

De chaudes larmes filaient encore de ses yeux et circulaient sur sa joue.  Son corps fluet, supportait à peine le climat aride de ce milieu d’où il venait de se réveiller hagard. L’entourage, des barbelés de fer,  lui parait suspect, car à peine se souvient-il encore de ce pourquoi il se retrouvait là. Des réminiscences vagues lui traversaient l’esprit. Mais rien. Toujours rien. Cet état dubitatif de mi conscient mi endormi lui chauffait encore plus les nerfs. Il s’essuya le visage, voulut adopter une posture normale, mais ce que réclamait le corps était plus profond que le sérieux que la raison lui réclamait. Il se laissa donc aller et retomba douillet sur ce canapé qui lui servait de lit.
Mais où donc puis-je me retrouver ? se demandait-il. Qu’est-ce donc a pu se passer pour que je puisse me trouver dans un univers pareil ? Mes parents ! Oui, mes parents, mon père, ma mère, ma bombe de fiancée ! où sont-ils tous pour m’abandonner dans cet état ? Ma fiancée !  
Maboa surgit brusquement et sortit de ces rêveries quand la petite porte qui servait d’entrée à ce lieu s’ouvrit. Deux gardes entrèrent armés jusqu’aux dents, lui mirent, à une vitesse lumière, des menottes aux mains et aux pieds puis le placèrent sur le chemin  de la sortie. Cette violence réveilla rapidement Maboa qui commençait à retrouver son esprit.
Il se souvient. Un mois plutôt, il était encore chez lui. Oui, installé chez lui dans ce village d’Assiangbomè, où après ses études d’agronomie, il est retourné expérimenter les théories apprises dans ce département de la FSA à Abomey-Calavi. Brillant étudiant, Il se rappelle, que loin de tous ses camarades, il était toujours le premier de sa promotion. Evidemment, le département excellait dans les cours théoriques et la pratique n’était pas du tout une priorité. En manque de matériels adéquats, le laboratoire était aussi chétif que vide. Les étudiants maitrisaient donc toutes les notions élaborées par les grands agronomes depuis l’antiquité, mais à la fin, le moindre cycle était difficilement maitrisable car, il suffit qu’il pleuve un jour sans que cela ne soit prévu par la théorie pour que la panique s’installe. 
Pourtant, Maboa, se retrouvait très bien dans cette ferme d’Assiangbomè. Une grande ferme où il faisait autant l’élevage que l’agriculture. Très jeune, sorti fraîchement de l’université, il ne tarda pas à faire ravage dans ce petit village. Les jeunes filles, fatiguées de toujours avoir à choisir parmi ces vieux paysans sans ambitions, la plupart polygames avant la naissance, trouvèrent l’occasion de manifester leur revanche. Elles tournèrent toutes autour de l’agronome. Celui-ci, adepte de la théorie d’une vie chaste, avait passé tout son temps sur le campus à ne s’intéresser qu’à ses études. Les jeunes filles et lui vivaient dans deux mondes différents. Quand, grâce à sa brillance, l’une d’elle tentait de s’approcher, c’est comme s’il flairait de loin son odeur : il disparait du secteur. Les seuls endroits qu’il fréquentait réellement étaient la Bibliothèque de l’université et  le centre culturel français. Deux endroits que certaines étudiantes, délibérément ou par inconscience,  ont en adversité. La réussite n’étant pas du tout un problème. Il suffit de taper à la bonne porte et à l’heure indiquée pour avoir sa réussite assurée.
Donc, Maboa, les fuyait toutes jusqu’au moment où, vers la fin de ses études, il en eut une qui lui plut. Mais sa réputation a fait qu’il n’a pas eu la technique nécessaire pour l’aborder, et réussir à la convaincre. Il savait lui,  convaincre les enseignants à travers ses productions, mais les jeunes filles, il n’en a pas l’habitude, il n’y arrivait pas.
A Assiangbomè, ce problème ne se posa pas du tout, puisqu’il ne s’agissait pas pour lui de convaincre. La matière est là disponible et il n’a même pas d’effort à faire. Les jeunes filles défilaient tellement que, et les anciens, et les jeunes paniquèrent. De nombreux conseils de village se tinrent. Maboa risque de leur ravir la vedette et leur priver de toutes leurs femmes. Le village risque même de ne plus avoir de descendance car Maboa seul s’accaparerait d’elles toutes.
Cependant, Maboa n’était pas du tout de ce genre. Défilé, il y en avait certes, mais dans son cœur, il y en avait qu’une seule qui pouvait le faire vibrer. Une seule qui, à ses yeux représentait la bonne compagnie dans cet endroit oublié de la terre, où seuls on a pour compagnie, les herbes et les animaux.
La jeune et sulfureuse Kossiwa aux derrière généreuse, était le souffre –douleur de Maboa et dès qu’il l’a su, il mit fin, non sans mal au défilé. Les autres jeunes filles arguant que c’est à travers le Gbotémi qu’elle a pu gagner le cœur de l’agronome, s’y mirent également et Maboa se retrouva pendant au moins un mois au lit, couché chez le guérisseur. Celui-ci, heureusement pour lui, était le géniteur de Kossiwa.
A sa guérison, tout a été mis en œuvre et les parents se sont mis d’accord pour célébrer le mariage. Maboa, faisait régulièrement des cadeaux à sa future belle famille.
Revenant de la ville où il allait de temps en temps pour faire ses provisions, il acheta une radio. Oui, une petite radio, car il y a longtemps qu’aucune information de son pays, ni du monde n’est parvenu à ses oreilles. Une radio qui marche avec des piles car il est normal que dans ce trou, il ne pouvait l’alimenter avec du courant électrique. Il acheta ainsi un carton de piles car il ne voulait pas être en rupture avant le prochain tour en ville.
Rentré tout content et tout fier de cette acquisition- il sera le seul du village à détenir un outil moderne-, il fit fête avec sa fiancée par qui il envoya une bonne partie de sa provision à sa belle famille : Sardine, tomate en boîte, biscuit, corned-beef… toutes ces nourritures, only for dog importées et qui font la joie des villageois qui en raffolent jusque parce qu’ils changeaient de nourriture mais aussi et surtout parce que, quand on mange ces mets, on ne ressemble plus au Blanc, on en devient un à part entière.
Il alluma sa radio. Mais il a du mal a capté les chaînes. Il dut se déplacer un peu. Le village était montagneux et son expérience lui dicte cette solution. Il alla donc s’installer sur l’une des plus grandes montagnes du village situé dans le quartier Sodji. Là, nettement il réussit à avoir l’ORTB, et même sur la bande SW Radio France Internationale, RFI, réputé pour l’actualité mondiale.
Quelle n’a pas été sa stupeur, sa grande joie, sa grande surprise, son euphorie quand, sur RFI, il apprit que le pays le plus puissant dont il a toujours entendu parler, le pays issu de l’immigration des Blancs européens, le plus grand pays esclavagiste du monde, le pays où ses ancêtres ont souffert dans les plantations de canne à sucre à cause de leur peau, le pays qui a fait la guerre de sécession, le pays qui a assassiné Martin Luther King, a osé élire un Noir comme Président de la République. Le monde tremblait à ses pieds. Il ne voulut rien en croire. Il éteint la radio. Mais la rallume l’instant d’après afin que, de ses oreilles grandement ouvertes cette fois-ci, il puisse l’entendre. Il changea même RFI, parce que selon lui, ces français, il leur arrivait de dire quelques contre-vérités sur leur chaîne, quitte à provoquer des remous dans la population et opérer des démentis après. Il  voulut capter l’ORTB, mais puisque c’était un peu difficile, il tomba miraculeusement sur la BBC. Il a encore quelques réminiscences de l’Anglais appris au collège et à l’Université et les Etats-Unis parlent Anglais. Là, c’était clair, le 44ème  président des Etats-Unis était un Noir, de père Kenyan.
Pour lui, c’était la plus grande fête, non plus parce qu’il a fait des emplettes, mais parce que, désormais, tout était possible dans ce monde. Un Noir à la maison blanche. Là l’espoir est permis. Pensait-il.
Un grand projet commença à se dessiner dans sa tête. Il pensa que lui, grand agronome, major de sa promotion, ne méritait plus de rester dans ce trou. Il en est même arrivé à se demander, comment il a pu se retrouver dans un coin pareil, alors que de belles choses pouvaient se passer ailleurs et que l’avenir serait radieux loin de chez lui. Obama Président, c’est le paradis noir. Aucun Noir ne subirait plus aucune humiliation comme autant de Rose Parks. Plus aucun Blanc n’osera lever la main sur un Noir. Le Noir est libre, il est président. Et si un Kenyan a pu s’immigrer pour aller jusque là-bas dans le pays de l’oncle Sam, pourquoi pas lui. Pourquoi lui, ou bien les fils qu’il aurait là-bas ne deviendrait-il pas gouverneur d’un Etat où Président avec pour siège la Maison Blanche.
Oui, c’est décidé, quel que soit ce que cela puisse coûter, il faut qu’il aille aux Etats-Unis. Il a beaucoup d’amis qui n’ont même pas fini les études avant de partir en Occident. Il demanderait conseil. Obama est président et il n’avait plus besoin de visas. Il faut être con encore à l’ère d’Obama pour chercher à avoir un papier pour passer les frontières. Qui est ce Blanc qui pourrait l’arrêter ? Il avait juste à lui dire que désormais, le pays est à eux. Qu’un Noir ne peut pas siéger à Washington, et les laisser eux, les hommes de la même couleur que lui dans cet état. Il faut être inintelligent pour chercher même à jouer à ce jeu bizarre qu’ils appellent Loterie visas Amérique. Lui ? Non. Rien de tout cela. L’important c’est de se pointer aux frontières et plus personne n’osera le déranger.
Il apprit qu’il fallait négocier un passeur. Traverser l’Atlantique par pirogue, faire au moins un mois, vivre difficilement pendant ce séjour avant de se retrouver au Mexique ou à Guantanamo au Cuba. Il se foutait pas mal de ceux qui tentaient de l’en dissuader, parce que lui sait que s’il fallait même traverser l’Atlantique à la nage, il le ferait. Que personne ne le trompe en évoquant Guantanamo car, avec Obama, plus personne ne se retrouvera dans cette région qui abrite un grand centre pénitencier. Obama, c’est ce qu’il a appris à la radio, a promis fermer ce centre. Et puis, qui veut-on tromper ? Fidèle Castro n’est plus au pouvoir. Cuba, c’est un passage garanti. Et puis les Mexicains ? ils ne peuvent pas lui faire peur, eux non plus. Il connait leur histoire. Il sait que quand on feint de rentrer dans leur réseau de narco trafiquants, on peut tout. Les moyens pour y arriver importent peu. L’essentiel est de se retrouver sur le territoire des Etats-Unis
Donc, tout a été ficelé pour que le départ soit pris pour  trois heures, une nuit à la plage de Togbin. Togbin tout simplement parce qu’à Cotonou, à Ouidah ou à Grand-Popo, les regards seraient trop braqués sur eux. Il informa sa fiancée d’un imminent voyage. Un voyage dont il ne donne pas de précisions. Il lui promit de venir la chercher. Ils partiraient loin de ce village où ils vivraient très heureux avec une famille nombreuse.
Il prit sur lui tout l’arsenal indiqué. De grosses couvertures pour se protéger du froid, de la nourriture et pas n’importe laquelle. Du lio, du abla, du akandji, du klèklè, … enfin,  tous ces mets que les rois d’Abomey avaient sur eux quand ils allaient à la guerre, parce que difficilement périssables. Un bidon d’eau qu’il fallait gérer rationnellement, parce que contrairement à ce que l’on pourrait penser, il n’y a pas pire produit rare sur la mer que l’eau potable.
Aucune de ces conditions ne lui disait rien, on lui a raconté, l’histoire de Ceuta et de Meula, et il sait qu’il est astreint à de grands risques. Mais pour une Amérique libérée de toutes ces histoires du genre racisme, tous les risques  valaient la peine d’être pris. Il est suffisamment fort pour affronter victorieusement tout cela. Ceux qui réussissent n’ont pas deux têtes. Lui, ce n’est pas n’ importe qui. Lui c’est Maboa. Le Fils de son père, major de sa promotion, fiancé de la sirène du village. Lui, oui, lui c’est le futur gouverneur de l’Etat de la Nouvelle-Orléans où il poserait ses bagages. C’est le géniteur du futur président des Etats-Unis. Rien ne peut lui faire peur.
Les gardes ouvrirent une grande porte à double battant après environ un kilomètre de marche difficile. Ces deux mains et ces pieds lui faisaient énormément mal. Les larmes qui inondaient son visage ont cédé place à de grosses sueurs qui coulaient de partout sur son corps.
On le fit asseoir dans une grande salle devant un grand monsieur en toge noir. Il comprit que celui-là ne pouvait être qu’un homme de droit. On l’interrogea, sur son identité qu’il déclina, non sans mal, car sa souffrance décuplait au fur et à mesure qu’il constatait les menottes le serraient et les gardes ne le laissaient pas des yeux une seconde. Toute idée d’évasion était impossible. Il n’en aurait même pas la force physique. L’homme en toge noir, l’informa des causes de son arrestation. Deux jours avant, il y avait eu un attentat à la voiture piégée. La CIA et le FBI, ont mené des enquêtes rapidement et puisque, lui Maboa était dans leur fichier, ils n’ont pas hésité à le prendre.
Maboa n’en revient pas ses oreilles. Comment lui qui est venu dans ce pays d’Obama, ce pays si libre, pouvait se retrouver dans une affaire si sale ? Il tenta de démonter qu’il ne pouvait pas  s’agir de lui, parce que lui, était sur le territoire que depuis deux jours. On lui apprit qu’il s’agit bien de lui, parce que, l’attentat est toujours commis par des musulmans et puisqu’il en était un, il n’y a aucun doute que ce soit lui. Il ne peut pas porter le nom d’Hussein et dire qu’il n’est pas musulman. Pire, il est Noir, comment ne pas arrêter un Noir pour un attentat alors qu’eux tous ont le même visage. De toute façon, la CIA et le FBI, sont formels, c’est sa photo qui est dans leur fichier.
Maboa se dit surtout qu’il y a un malentendu. Mais toutes ces tentatives pour démontrer le contraire firent vaines. Il reçut un violent coup de pieds à ses tendons. Il s’est souvenu qu’au fait, Obama est président et que maintenant il peut tout faire du moins tout dire.
Il s’en prit donc aux Blancs. Leur démontra qu’ils sont racistes. Mais que depuis le docteur Dubois, en passant par Martin Luther King, Rosa Park, Malcom X, Le pasteur Jessy Jackson… de nombreuses luttes ont été menées et que maintenant Obama est président. Que rien de tout ce qu’ils feraient n’aboutirait parce que bientôt Obama lui-même viendrait le sortir de cette prison.
Un autre violent coup de pieds atteint sa jambe droite.
Cette douleur lui rappela encore cette traversée de l’Atlantique. De l’enfer. Il fallait, affronter plusieurs facteurs à la fois. La mer avec ses crises de colère, les passeurs qui se révèlent très escrocs-il fallait à sa demande lui donner de l’argent quand il en a envie puisque c’est lui le roi et que tous se retrouveraient au fond de la mer, voisins des grands poissons s’ils n’obtempéraient pas- ces Shebabs somaliens qui, au lieu de se contenter des grands bateaux pétroliers dans leur Océan Indien, viennent s’associer au Boko Harm afin de semer la terreur jusque dans l’Océan Atlantique ; la faim, la soif, le soif qu’il dut affronter pendant ce trajet, et cette peur permanent d’être arrêté par les gardes côtes d’un pays. Il a du affronter tout ceci, mettre les pieds enfin dans son pays de rêve, dans l’Etat de la Nouvelle-Orléans où il comptait amener sa fiancée et former une grande famille.
L’homme en toge noir, un Blanc, bien-sûr, n’a pas su supporter ces injures à son encontre. Obama est président, certes, mais le pays n’est pas au Noir. Des Blancs sont encore dans le pays et très puissants. Qu’aucune illusion ne traverse l’esprit des Noirs. Aussi longtemps que les Blancs existeraient dans ce pays, aucun Noir n’aura les coudées franches pour gouverner. C’est pourquoi les Républicains lui mettraient toujours les bâtons dans les roues.
Maboa fut immédiatement condamné dans ce tribunal, avec ce simulacre de procès parce qu’il n’y avait même pas d’avocat. Pour ne même pas le laisser souiller le sol des Etats-Unis et puisqu’il affirme ne pas l’homme qu’ils recherchaient, il a été programmé dans un vol  charter pour  retourner d’où il venait.
Dans l’avion retour, Maboa continuait d’être étonné. Comment peut-on  traiter ainsi dans un pays où un Noir est président ? Les Noirs l’ont pourtant élu à 90%. C’est ingrat de sa part.
On m’a renvoyé des Etats-Unis. Et pourtant Obama est Président.  Il ruminait encore sa déception quand enfin il parvint difficilement à rejoindre son village. Il apprit qu’il y a une grande manifestation inhabituelle dans le village.
Sa fiancée, convaincue qu’il ne retournerait plus, avait dit oui au jeune Instituteur qui venait de s’installer dans le village. 

mercredi 16 janvier 2013



Onomatopée d’un monde aux abois

Armand Adjagbo, sans être Issifou Dramani, récidive. Et ses mots pour corriger les maux, le confirment dans ce choix fait de rester à l’écoute du peuple et avec lui. Slamodrome, mieux que Délices D’épices, installe l’auteur, dans ce genre poétique qu’il est en train d’adopter définitivement, en témoigne l’absence, dans cette présente édition d’une deuxième partie consacrée à quelques textes poétiques écrits de façon éparse dans le premier ouvrage.  S’il a donc semblé avoir tergiversé dans son premier ouvrage, le slameur, sait désormais où il va. Dans les pas de Marc Kelly Smith, il opère très lentement mais assurément des pas de géant dans ce monde d’audacieux, soucieux du bien- être de leurs concitoyens et capables de dénoncer, au prix de leur vie les écueils qui entravent l’épanouissement juvénile, que dis-je, humain.
Ayant lu La Fontaine et l’histoire littéraire du XVIIème siècle français, le poète sait avant tout, dire haut les anicroches politiques sans les nommer.  Hugolien et Césairien endurci, Armand Adjagbo, s’attaque ici tout sans la moindre retenue. De la politique à la religion, en passant par le social et le lyrique, rien n’aura été laissé aux oubliettes.
Par ailleurs, si les lecteurs pouvaient faire un reproche à Délices d’épices, c’est bien qu’il s’est contenté de l’actualité nationale. Mais cette fois-ci, ils sont comblés avec une incursion dans cet univers international enclin à des dérives énormes, hégémoniques, politiques et religieuses.
Mais avant d’évoquer cette envergure imprimée à l’ouvrage, une mise au point de ma part me semble indispensable.
Armand Adjagbo sait, en effet, que sur cette question des révolutions arabes, nos points de vue ne concordent pas. Fan du XVIII ème siècle français, je sais surtout qu'un peuple bâillonné est avant tout, un peuple qui se meurt lentement et que, même avec la plus grande richesse, un homme qui manque de liberté d'action et d'expression ne saurait être heureux. Et ce n'est pas parce que j'écris cette préface depuis Tunis, berceau de ce printemps arabe, que je me conforte davantage dans cette logique. Je crois avant tout que l'homme, n'est rien d'autre que sa liberté.
Que le slameur veuille que je lui écrive une préface à une œuvre où, (ou) vertement, il s'en prend à l'Occident pour avoir soutenu les peuples arabes dans leur printemps c’est, ce me semble, un piège tendu,  dans lequel je ne tomberai pas ; non pas par une fuite en avant mais surtout parce que les  arguments développés ne manquent pas de pertinence.
Le monde, en effet, depuis la fin de la deuxième guerre mondiale et la chute du mur de Berlin marquant le terme de la guerre froide où Soviétiques et Américains s’affrontaient par États interposés, n’a connu autant de remous socio-politiques et religieux qu’actuellement. Un clivage net se trace désormais, entre ceux que Georges W. Bush, Président des Etats-Unis (2000-2008) a, à tort ou à raison, appelés « l’Axe du mal » et le monde occidental. La civilisation occidentale, chrétienne,  qui a atteint son apogée de liberté depuis le XVIIIe siècle avec les grands philosophes tels que Jean-Jacques Rousseau, Montesquieu, Voltaire… qui ont conduit à la révolution française de 1789, consacrant le déclin de la royauté, se décide d’imposer cette vision politique à tous les peuples orientaux, musulmans. Et, le choc s’installe, non pas au niveau des civilisations, mais précisément au niveau des religions, avec le 11 septembre 2001 comme point culminant. Mais ce qui, le plus, met en courroux, l'Orient et fait accentuer les tensions, c'est que l’Occident, loin de la version politique officiellement déclarée dans cette lutte, œuvre pour des fins économiques inavouées, en témoigne le choix des États attaqués, les plus riches en sous-sol, et qui refusent de le partager, non, de le donner gratuitement. Le seul exemple pour s'en convaincre est que l'Arabie Saoudite, même étant un royaume, n'a jamais été inquiétée par ces tensions. L'Occident semble ne viser que ses intérêts quand il s'en prend à un pays. Et toutes les puissances, même avec des visions divergentes finissent toujours par s'entendre, parce que des propositions mirobolantes de partage de la manne du pays se font.
« Si tu me donnes beaucoup de blé,
 Moi je fais la guerre à tes côtés
Si tu me laisses extraire ton or,
 Moi je t'aide à mettre le général dehors.»
 chantait l‘artiste musicien ivoirien Tiken Jah Fakoly dans Plus rien ne m’étonne.
Je sais donc avant tout que le slameur, comme beaucoup d'autres ont d'énormes justifications à leur position antioccidentale.
Mais au-delà du fond de ce texte qui pourrait susciter des polémiques, j'aimerais inviter à s'attarder sur le style qui ne laisse personne indifférent. Morceau choisi de la belle salade linguistique :
« Le sol libyen constipé ploie
Sous le poids des cadavres qu’on fit
Pour noircir Kadhafi».
Cette image même lugubre garde toute sa beauté de ce que l'on pourrait appeler « allégorie de Kadhafi ». En effet, chacun des mots de cette séquence est fortement connoté. Le « sol » à la place du sous-sol incarne toute cette profusion de ressources diversifiées dont dispose le pays. Ceci, notamment renforcé par la présence du participe passé « constipé » qui consolide la thèse d'abondance extrême. La Libye en effet comme la RDC (République démocratique du Congo) est un accident géographique et géologique qui combine tout ce qu'un sous-sol peut avoir comme valeur. Le pays est si riche qu'il ne sait plus quoi faire de ses biens.
La belle plongée dans cet univers de pétro-dollar ne sera que le prétexte pour fustiger ces révolutions arabes fortement soutenues par l’Occident, France et Etats-Unis en tête. A la place de « révolutions », l’auteur trouve que  ce sont des « révolues solutions » agissant ainsi sur la phonétique pour obtenir des terminologies nouvelles battant en brèche tout l’argumentaire développé pour applaudir ces changements de pouvoir dans le monde arabo musulman.
 Et le lexique du lugubre s’enchaîne pour peindre d’un pinceau noir, tout ce que l’Occident a applaudi et a fait voir en blanc :
démocratie à prix de sang/Qui broie l’innocent/ Démocratie vendue à la criée/Qui boit du sang/ Se nourrit de chair/Et danse la musique des armes/Avec des soutiens en armes/ Pondeuses de charniers… du sang argent liquide/ Du cadavre billet craquant… Il y a là de la matière à avoir la chair de poule.
Dans cette même verve au plan national, les mots pour reprendre l’actualité, sont autant durs qu’accrocheurs. Il s’agit pour une bonne partie d’une apostrophe adressée à un « fantôme rebelle ».  Fantôme rebelle tout simplement parce qu’il s’agit d’une victime d’assassinat qui refuse de laisser tranquille. Son âme est en permanence là, qui hante. C’est une apostrophe qui vire pratiquement au délire car, elle part de tentative d’explication de l’acte à une culpabilisation profonde et sincère ; mais prend l’allure aussitôt d’imprécation, de profération de puissance, détaillant au passage les nombreuses malices dont on fait preuve pour déjouer les coups politiques et demeurer toujours seul maître à bord. Le cœur même du pouvoir politique est atteint, décortiqué pour permettre de comprendre qu’en réalité l’écrivain congolais Henri Lopès a raison lorsqu’il a affirmé dans « Sans tam-tam » :
« Nous nous jetons sur le pouvoir pour le pouvoir, l’esclave ne s’affranchit plus pour libérer de l’esclavage, mais pour devenir maître d’esclaves. »
L’allégorie des trois frères insérée dans le texte sous forme de conte, est cependant là, en bon conseil pour ceux-là qui croient que, une fois au sommet, ils peuvent laisser tomber de la fiente sur la tête des autres. L’heure de la descente viendra, où ils n’auront plus personne, semble indiquer l’auteur. « La roche tarpéienne n’est pas loin du capitole ». a-t-il signalé. Ainsi, tel G G Vickey, l’auteur convoque la conscience de ceux qui se surestiment  à l’instar de « Jeannette » dans la chanson Vickey est mort. Les dirigeants politiques doivent comprendre qu’il y a un temps pour tout et que le même peuple qui a applaudi aujourd’hui, est le même qui peut lancer la pierre, le jour suivant.
Heureusement dans cette atmosphère très amère, le slameur trouve un espace pour se mettre en scène. Mais ce sera encore pour se plonger dans, tel Lamartine dans une tristesse profonde, mélancolique, voyant l’âme sœur en danger. L’image du Christ sur le Golgotha est bien révélatrice de cette douleur de l’auteur de voir sa moitié peut épanouie.  En effet ce passage lyrique s’inscrit autant que les autres dans un univers amer, pas lugubre cependant.  Car, il semble exprimer l’éternité de ce feu dont les cendres encore incandescentes refusent de s’éteindre. L’espoir atemporel auquel il invite, les moments heureux ressassés, cette foi en l’avenir concourent à confiner l’auteur dans le ce lyrisme.  
Je ne saurais finir cette incursion que l’auteur me permet de faire dans son œuvre dans cette ambiance terne. Car, avant tout, s’il s’acharne à démontrer un monde aux abois, ce n’est point de sa faute. Que peut-on face à la réalité ! Je pense que c’est une contribution assez heureuse, annonciatrice comme une hirondelle, d’un printemps, non arabe, mais humaniste, qui ne saura être ni téléguidé, ni détourné par les extrémistes occidentaux avec leurs films et caricatures, ni par les Islamistes avec leurs assassinats et autres attentats à la bombe. Je voudrais ainsi retrouver cet espoir à travers le titre de l’ouvrage, original, dont je tente ici, quelques explications.
 « Slamodrome » est en effet un néologisme qui combine[U1]  deux mots, « slam », le genre du texte et « drome », affixe français qui signifie course, mouvement et qui en Anglais, peut se lire « drum » tam-tam. A travers cet instrument rythmé qui invite à la danse, c'est l'image du mouvement qui demeure. Le slameur avec cette combinaison voudra proposer une piste de réflexion sur laquelle il invite les jeunes de la « génération consciente » de ce siècle de liberté, à éclore la parole et à ne plus demeurer des éternels assistés, des spectateurs passifs ou « joyeux » de ces mélodrames, ces « belles tragi-comédies » comme il l'a écrit, qui se jouent au sommet de nos États. C'est aussi, une manière pour lui d'indiquer une nouvelle voie, une option neuve choisie désormais pour communier avec le peuple.
C’est enfin, un cri d’espoir qui conforte chaque jeune dans un monde qui n’a d’autres refrains actuellement que le lexique de la terreur. Cri d’espoir pour faire taire « les balles » comme le demande Eustache Prudencio « Que les balles se taisent » (dans violence de la race) Et pour entonner comme G G Vickey, « La roue tournera ».
Fyoton Anicet MEGNIGBETO
Aéroport International Mohamed V de Casablanca en provenance de Tunis, ce 30 septembre 2012.






 [U1]

vendredi 11 janvier 2013

LE PROFESSEUR MIDIOHOUAN DE RETOUR DE CHINE

Constats amers: la France cache le reste du monde à l'Afrique Francophone, la langue française ne dépasse pas les limites de la France Métropolitaine, la Chine et l'Asie entière se moque de l'existence de l'Afrique, Pékin, Shangai ou Hong-kong, n'ont absolument rien avoir avec Cotonou, qui ploie sous la misère, l'inorganisation, et les ordures..., A travers, ce carnet de voyage, c'est un véritable cri d'alarme que lance le Professeur MIDIOHOUAN, afin qu'une prise de conscience amène le Bénin à voir les grands pas de reculs qu'il pose en s'accrochant à la langue française comme à une bouée de sauvetage. Une solution radicale à la RWANDA, serait peut-être la solution. – avec MIDIOHOUAN Guy Ossito.



En août 2012, j’ai fait un séjour de deux semaines environ en Chine pour assouvir mon désir de voir de mes yeux comment l’on vit dans ce pays qui pèse désormais d’un grand poids dans le devenir du monde. Au cours de mon périple, j’ai pris parfois quelques notes, sans m’imposer cet exercice comme un devoir quotidien.
Je les livre ici comme je les ai gribouillées, sans apprêt particulier, pour le plaisir de partager ces bribes d’impressions.
6 août 2012, 08 heures, Aéroport Paris-Charles de Gaulle/ Terminal 1
Enregistrement plutôt pénible. Aucun signe de Promo-vacances, l’agence qui m’a vendu mon voyage. J’ai l’impression de n’être que du bétail. Décollage à 12 heures pour Frankfurt. Dans l’avion de la Lufthansa, l’équipage ne parle presque pas français. Allemand et anglais en priorité. Quand le chef de cabine s’est décidé, presque à l’improviste, à parler français avec un fort accent allemand, comme un enregistrement trop mécanique, sans âme, on entendit des pouffements de rire dans l’avion.
6 août 2012, 13h, Frankfurt.
Aucune assistance au comptoir transit de la Lufthansa. Devant mon insistance à lui parler français -juste un test consécutif à l’expérience de l’avion qui m’a amené de Paris- une hôtesse particulièrement grossière m’apprend avec brutalité que le français n’est pas une langue internationale. L’aéroport de Frankfurt est l’un des aéroports les plus pénibles que j’ai jamais connus. Aéroport particulièrement vaste. Il m’a fallu marcher pendant plus d’une heure pour trouver la zone C. Aucune prise en charge de Promo-vacances pendant ce transit. Décollage à 18h pour Hong Kong. Après environ trente minutes de vol, l’avion est entré dans une zone de grande turbulence. Nous avons été secoués pendant 45 minutes, comme personnellement je ne l’ai jamais été depuis que je voyage en avion, avec au moins 15 à 20 minutes de vraie frayeur. Le reste du voyage a été plutôt calme. Arrivée à Hong Kong après plus de 10 heures de vol sans escale.
7 août 2012, 10h 30 (heure locale). Arrivée à Hong Kong
Aéroport immense, moderne et propre. Rien à envier aux aéroports occidentaux. On peut même dire que sur le plan architectural, l’aéroport de Hong Kong est d’un design plus moderne, plus audacieux, plus esthétique.
La première impression que donne la ville de Hong Kong est celle de la hauteur, de la jeunesse et de la modernité. Des tours et des tours entre la mer et la montagne. La ville ne laisse pas cette impression de profondeur historique que l’on ressent à Paris, à Londres ou à Berlin.
L’hôtel Hyatt Regency Hong Kong, Tsim Tsa Tsui, est au cœur de la ville, dans un complexe immobilier où s’enchaînent magasins, galeries marchandes, restaurants, expositions, etc. Une ville vivante, commerçante, qui s’illumine la nuit de façon féérique.
Une visite sur l’île de Hong Kong, au point le plus haut de la montagne, sur la plage, dans le tunnel sous la mer, dans le tunnel sous la montagne, me confronte avec le caractère vertigineux de la ville sur le plan physique. Peu d’originalité dans les produits que l’on trouve dans les magasins et les marchés. Pas une très grande différence avec Paris, Londres et New York. Hong Kong est, de ce point de vue, la vitrine du capitalisme occidental. Ici tout est occidental, le mode de vie, les objets de prestige (maisons, voitures, bijoux, habits, bateaux…), la mentalité marquée par un certain snobisme. La plus grande opulence côtoie la plus grande misère. C’est ce que m’a révélé le petit tour  en sampan à travers les habitations flottantes des pêcheurs au milieu desquelles trônent les yachts rutilants de la bourgeoisie locale. Quelle image de l’Afrique ici ? Presque rien. Aucune radio, aucune télévision africaine n’atteint cette rive du monde. L’Asie doit son image de l’Afrique à TV5Monde. Toujours la condescendance et le mépris que nous méritons par notre indifférence aux vrais défis du monde moderne. Ici, on prend réellement conscience que l’Afrique n’existe pas !
La douleur de n’être que francophone
J’ai déjà fait l’expérience du peu de place qu’occupe la langue française en Europe même. De ce côté-ci du monde, c’est pire : « connaît pas » tout simplement ! Même dans les hôtels les plus huppés, il est extrêmement rare de trouver quelqu’un qui parle français. Des guides censés être francophones font arbitrairement l’option de l’anglais dès que leur public comporte quelques anglophones. Il est clair qu’ici aussi le français n’est pas une langue internationale. Il ne l’est que pour les Africains dont la bulle francophone éclate lorsqu’ils se retrouvent face aux réalités du monde contemporain.
10 août 2012. Voyage Hong Kong – Macao en hydroglisseur. Visite de Macao
Environnement physique pas très différent de Hong Kong. Mer, montagnes, gratte-ciel. La vieille ville est assez pittoresque avec des bâtiments de l’époque portugaise. Ma curiosité a été retenue par les ponts sur la mer qui relient différentes parties de l’enclave. J’ai souvent pensé à mon pauvre Cotonou et à son incapacité rédhibitoire à maîtriser ses marécages, sa lagune, sa mer qui menacent sans cesse de l’avaler. Macao est une ville fascinante. Un peu plus de 500 000 habitants (alors que Hong Kong fait 7 000 000 d’habitants). Vitrine du système capitaliste, ici comme à Hong Kong, l’argent est roi. Il est célébré, vénéré. L’homme est à son service. Macao, c’est aussi l’empire du jeu. C’est la première activité de l’enclave. La visite d’un casino m’a laissé partagé entre l’étonnement, la surprise et l’abattement devant une certaine déchéance humaine sous l’empire des illusions les plus tyranniques. Mais paradoxalement, ici tout est beau, habillé d’acier, d’aluminium, de verre et de néon. Tout est clinquant et féérique.
Shanghai
Une ville éblouissante. Il faut venir ici pour prendre conscience de la décadence de l’Europe et de la montée de l’Orient. Il faut venir ici pour voir que pour nous, francophones africains, la France nous cache le monde. Paris à côté de Shanghai, c’est vraiment de la rigolade. La Tour Eiffel, les Champs Elysées, Paris- la ville-Lumière et tout ça, c’est du bluff. L’avenir du monde se dessine de ce côté-ci. Les Européens ont peur de ce qui se passe ici. Ils en sont jaloux. Ils ont tendance à tout dénigrer et c’est là le signe de cette peur devant l’avenir.
La course vers l’enrichissement
Il n’y a pas de doute qu’il y a en Chine, aujourd’hui, une course effrénée vers l’enrichissement personnel. Cela se voit dans la rue à travers le snobisme exacerbé pour les objets de grandes marques. Parallèlement, le niveau de vie global est assez faible et, sous le ripolin clinquant, affleure la misère qui n’est jamais loin. L’écart se creuse entre les riches et les pauvres. Les personnalités politiques et les nouveaux capitalistes issus de leur rang planent au-dessus de la masse qui trime. De nombreux réseaux mafieux permettent aux plus forts d’écraser les faibles par la terreur voire l’assassinat. Ce sauve-qui-peut n’arrange pas l’image du pays : dans l’hôtel où je suis descendu à Pékin (un Novotel 4 étoiles), plusieurs cas de vols d’objets dans les chambres ont été signalés.
Pékin, ville propre
Au cours de ce périple, mon attention a été attirée souvent par la propreté des villes où je suis passé. De grandes villes comme Shanghai et Pékin qui comptent plus de 20 000 000 d’habitants et où les rues sont propres, vraiment propres ; les services d’entretien sont en activité permanente. Pas une poubelle qui déborde. Le paysage urbain est vert et fleuri. Tout est mis en œuvre pour que les arbres poussent droit pour la beauté de la ville (c’est là certainement une niche d’emplois que nous laissons inexploitée chez nous). L’éclairage public fonctionne. Il y a une culture de la lumière et des couleurs qui donnent aux villes de ce côté-ci du monde (j’ai eu à observer, il y a quelques années, la même chose en Corée du Nord), leur caractère typique.
Comment ne pas penser à Cotonou, ce cloaque qui prétend « vivre l’excellence dans la solidarité », à ses artères défoncées, à ses ordures étalées, à sa saleté triomphante, à ses jardins souffreteux, à ses arbres qui poussent au petit bonheur la chance, à ses rues non éclairées…
Nos motos chinoises ne circulent pas en Chine
C’est au cours d’une promenade en cyclo-pousse dans le Pékin des « Hutong » que je me suis dit que j’aurai finalement pris au cours de ce périple presque tous les moyens de transport : avion , voiture, autobus, hydroglisseur, train (j’ai fait le trajet Shanghai-Pékin en train de nuit, départ 20h, arrivée 7h), métro, vélo… Cette idée m’a fait noter que je n’ai rencontré dans les rues aucune des motos chinoises qui circulent par millions chez nous en Afrique. Les Chinois eux-mêmes, dans leurs déplacements intra urbains, délaissent de plus en plus le vélo pour le scooter électrique peu bruyant, peu polluant. Souci d’environnement et de qualité de vie. Mais pourquoi donc nos commerçants n’importent-ils pas chez nous ces scooters et ces motos nouvelle génération ? En Afrique, nous n’avons encore aucun souci de l’environnement et de la qualité de vie. Les Chinois le savent et respectent notre ignorance désinvolte. Vivent les affaires ! Et tant pis pour les hommes !
Le tourisme en Chine
J’ai observé avec beaucoup d’intérêt le soin apporté par l’Etat à l’organisation des circuits touristiques en Chine, combinant méthodiquement des secteurs de l’économie nationale comme l’administration, le transport, l’hôtellerie, la culture, le commerce, l’artisanat d’art, l’artisanat de luxe (soie, perle, thé, etc.), les arts du spectacle, la restauration, les agences de voyage, de traduction et d’interprétation… Tous les atouts du pays sont valorisés afin d’attirer les visiteurs qui -cela a été une impression très forte- coulent à grands flots continus sur tous les sites touristiques. C’est dire l’importance des ressources que l’Etat tire de ce secteur du tourisme et dont l’investissement judicieux (rénovation, embellissement, accessibilité, recherche, conservation) permettra un développement plus important à l’avenir. La Chine, un pays de vieille civilisation, riche, grandiose. L’histoire de ce pays est marqué par la grandeur, la force, la beauté. La splendeur de certains  sites comme les jardins de la ville de Suzhou, l’armée de soldats en terre cuite de Xi’an, la Grande Muraille, la Place Tian An Men, la Cité Interdite, le Palais d’Eté, les treize tombeaux des empereurs Ming donnent une idée de ce que fut l’ambition des empereurs pour la Chine. Il faut avoir cela à l’esprit pour aborder le futur. La Chine du présent et du futur voudrait être plus grande, plus belle, plus humaine. C’est là le défi. Un espoir formidable pour l’humanité.
Comment les Chinois voient les africains ?
Je l’ai senti, ce regard qui dans les rues et sur les sites touristiques me transperçait, me pourchassait, m’écrasait, m’étouffait. Le tourisme intérieur est particulièrement développé. On compte en général plus de touristes chinois que de touristes étrangers. Des masses d’ouvriers et de paysans venant de différentes provinces sont déversées sur ces sites. Pour la plupart des gens qui ne sont jamais sortis de chez eux ni ne connaissent rien du monde. Le nègre n’est pour eux que l’incarnation vivante de leurs préjugés qu’ils manifestent à travers leurs regards hébétés, leurs apartés moqueurs, leur maintien hypocrite, leurs éclats de rire vite réprimés. J’ai très vite compris que si je me laissais faire, je deviendrais le véritable centre d’attraction des sites touristiques où je me trouvais. Tous les appareils photos et les caméras se tournaient subitement vers moi comme si j’étais une curiosité. On faisait converger vers moi les mômes juchés sur les épaules de leurs parents qui les tenaient solidement. J’ai souvent dû réagir avec autorité pour apprendre à tout ce monde à se tenir. La politique et l’économie semblent plus développées que l’esprit qui souffle dans ce grand pays, qui reste mesquin, qui a besoin de s’ouvrir au monde pour prendre un peu d’oxygène.