lundi 21 août 2017

Aagan de Abdel Hakim Amzat



Sacres et sacrilèges du culte Egugun. 

Par Anicet Fyoton MEGNIGBETO

Le narrataire  sort d’Aagan comme d’un parcours initiatique, non seulement du culte des Egugun, mais aussi de la tradition yorouba. Tellement l’isosémie et l’isotopie narrative respirent ce peuple de l’Est du Bénin.
Installée au cœur d’une royauté en effet, la trame narrative de ce récit hétérodiégétique plonge dans les méandres d’une famille princière qui n’aura pas dérogé à la règle épique et fantastique des dynasties où coups bas, intrigues, mesquineries, jalousies et amour se mêlent et cimentent le quotidien des courtisans.
Cette étude qui se veut panoramique, est une analyse de contenu pour nous prolonger dans la truculence de la série de récits que nous offre Abdel Hakim Laleye.
Mais avant de faire cette incursion dans Aagan, une mise au point semble indispensable quant aux personnages du roman. Tellement l’onomastique joue sur l’euphonie pour nous présenter des paronymes presque parfaits.
Les deux frères Baalè confirment notamment ce jeu phonique avec Adigoun et Adéogoun. On s’y perd facilement. C’est certainement la divinité qu’il vénère qui leur confère ce suffixe « goun », un diminutif de « Ogoun » nom de la divinité yorouba, celle qui s’occupe du fer dans le panthéon fon, le correspondant d’Héphaïstos chez les grecs.  Des entrailles de ces deux est sortie une progéniture qui partage non le suffixe, mais le préfixe : « Adé » « la couronne », certainement pour indiquer qu’ils sont fils et filles de roi, appelés à porter la couronne ou à l’incarner. Adéyêmi, Adéjo, Adésewa, Adétoun, Jolaade, vont former avec la famille Aralamo et les sages, l’univers des personnages de ce roman.
Une famille nucléaire africaine cependant à l’antipode des réalités, tant elle se retrouve être réduite Une épouse, deux ou trois enfants. Ce n’est vraiment pas la norme. La conception de « l’enfant richesse » contraint les souverains parfois contre leur gré à épouser quarante –et une femme. Même si, comme l’a souligné Kowanou Houénou dans Les enfants de la poubelle, elles ne sont pas vraiment des épouses ou comme le suggère Ken Bugul dans Riwan ou le chemin de sable, elles ne constituent qu’un décor pour l’homme, se mariant uniquement pour les avantages sociaux et éventuellement terrestres. Le Ndigueul. Toujours est-il que la conception de la famille dans cet ouvrage se révèle une exception africaine. Peut-être qu’avec les données modernes introduites, l’auteur a voulu aussi moderniser la royauté Yorouba. La famille nucléaire aussi.
Le narrataire peut se retrouver dans la tentative d’arbre généalogique suivante.



 





                                                
Zone de Texte: Aralamo AdéogounZone de Texte: AdéogounZone de Texte: Adigoun                                                                                                           
                                                                                                           
                        
                      Adéyêmi -                        Adéjo                           ojuola
                       Adésewa                              Adétoun                          Asabi (femme)
                      Jolaade

ARBRE GENEALOGIQUE DE LA FAMILLE BAALAE DANS AAGAN
 Ce préalable qui remet chacun des personnages à son statut, nous permet aisément de rentrer dans leur psychologie afin d’avoir une idée assez positive de ce que représente chacun d’eux.
Le premier d’entre eux dans l’ordre de la présentation dans l’ouvrage se trouve être Adigoun, le Baalè et ainé de la famille.
Adigoun
Baalè, c’est-à-dire souverain détenteur des pouvoirs aussi bien naturels que mystiques du royaume. Le narrateur le présente comme un roi débonnaire, agissant comme il faut, prenant tous ses sujets comme étant respectueux de son trône. Il a su gérer le royaume dans la dignité, combattant réellement la corruption- il a destitué Aralamo de son poste pour corruption – continuant à croire que sa place est si naturellement acquise que rien ne pouvait la lui arracher. Sa mort brutale, est peut-être un moyen pour le narrateur de le punir de sa naïveté. Un prince au trône doit toujours rester vigilent et méfiant, même vis-à-vis de son entourage proche, car celui qui sait que la place lui échouerait à la disparition de l’occupant, ne reste jamais tranquille. C’est certes sadique, mais le pouvoir est machiavélique. Ses réalités dépassent l’entendement humain. Ainsi si l’on pourrait louer la magnanimité d’Adéogoun, l’on ne saurait tolérer sa passivité. Mais c’est l’une des réalités du pouvoir sur lequel l’auteur a mis l’accent afin d’édifier.
Adéogun
S’il y a un personnage du texte qui incarne Tartuffe, c’est bien le Baalè Adéogoun. Pire que le faux prêtre dans Les confessions du Pr de Daté Barnabé-Akayi, qui au moins s’est présenté à visage déguisé, c’est de loin et de façon mystique que lui a scellé le sort de son royal frère. Deuxième sur la lignée des postulants au poste, il n’a pas su attendre son tour. Jaloux des avantages dont bénéficie son aîné, il réussit par pouvoir mystique, corruption des sages, à anéantir celui-ci avant de lui prendre sa place. C’est le prototype de l’homme politique avec plusieurs squelettes dans les tiroirs mais qui s’affichent le plus propre et à même de diriger le peuple. Sauf qu’en réalité, les abus injustes finissent par rattraper. Lorsque l’on s’accapare d’un pouvoir qui n’est pas sien, les revers ne tardent pas et l’on jouit difficilement de ce pourquoi on s’est battu. Non seulement son règne est éphémère, mais le fils pour lequel il trahissait doublement la communauté, en lui apprêtant arrogamment le trône et en lui arrachant sa fiancée des mains de son neveu, s’est retrouvé aux travers des textes sacrés du royaume. Toutes les tentatives pour négocier une clémence étant vaines, il dut commettre un double crime, le filicide et le suicide. Moralité, même s’il est admis de se battre pour un pouvoir, il reste des limites humainement infranchissables.
Aralamo
Pire qu’Adéogoun, c’est le genre de personnages et de personnalités qui pourrissent la vie sociale par l’étalage de leur immonde moralité. Opportuniste alerte, il sait par où prendre pour se remplir les poches au détriment de la communauté. Ejecté de son poste de député du peuple par Adigoun, pour corruption, il a su reprendre ce même poste à la faveur de l’assassinat de celui, dont il s’est fait complice Pire, jugeant les fonds alloués pour l’organisation du festival des cultes insuffisants, il pu convaincre le roi, non seulement de les augmenter mais de les gérer en tendant des pièges aux autres sages qui, la bouche déjà pleine adopterait la position des trois singes quand lui Aralamo, serait coupable de corruption. 
C’est le personnage qui a tôt fait de comprendre Kadé, dans Le ministre et le griot du camerounais Francis Bebey. En effet, pour celui-ci, même un repas est un investissement. Lui Aralamo, sait qu’au-delà du repas, sa propre fille, dans la famille royale serait un grand atout pour plus tard. Il pourra peut-être prétexter de cette alliance pour justifier un sang royal et devenir roi. On a bien vu dans l’histoire comment Agadja, roi d’Abomey a conquis Savi en offrant sa fille au roi. On sait aussi que dans certains pays africains certains ministres n’hésitent pas à offrir leur fille au grand chef afin de gravir les échelons rapidement.
Aralamo  aura ainsi réuni les caractéristiques du politicien parfait, capables de mentir, de trahir, de détourner, de savoir investir pour conquérir ou conserver son poste et évidemment, les avantages y afférents. Mais le narrateur a su le punir aussi en tuant sa fille, mettant du coup fin à tous ses espoirs.
Adéyêmi
C’est le personnage idéalisé dans le roman. Le narrateur a su le ménager, lui conférant le beau rôle de la victime comblée. Victime, il l’est en effet triplement. Victime de l’assassinat de son père, de la trahison de son oncle qui passa outre les révélations de l’Ifa, et enfin de la contrainte au suicide de sa fiancée. C’est l’Ulysse du roman, sauf que malheureusement, Ojouola-Pénélope, était rendue indigne de lui et n’a pas pu l’attendre.
C’est le genre de personnage, fataliste, mais à qui le sort donne raison. Il n’a pas levé le moindre petit doigt suite aux manigances de son oncle Adéogoun pour lui subtiliser le pouvoir. Bien qu’il sache que la mort de son père n’était pas naturelle, il n’a pas su réagir. Il était pourtant dans les confidences du père qui lui parla de son songe: son frère Adéogoun qui parle à travers le  corps d’Aralamo. C’était suffisant pour que dès la mort, il puisse prendre des dispositions. Mais rien n’y fit. Tout ce qu’il a pu faire c’est d’achever l’œuvre entamée par son père en allant à la recherche de l’Aagan et en revenant en héros. Et même là, c’était sans conviction. Il devrait le faire. C’est en quelque sorte pour lui, finir le travail de son père et non agir en vue d’obtenir gain de cause par rapport aux multiples injustices. Même quand sa fiancée lui a révélé ses rêves, il a également montré une grande passivité. L’on ne saurait comprendre que dans la même culture où le père consulta rapidement le Ifa pour savoir de quoi retourne son rêve, Adéyêmi soit resté à faire des interprétations d’intellectuels. Il aurait pu prendre aussi des dispositions ou assurer sa garde quand il partait à la recherche de l’Aagan. C’est possible aussi que Ojuoala, soit le prix qu’il a payé non seulement pour ramener le Aagan, mais aussi pour mériter le trône.

Adéjo
Adéjo est le genre d’intellectuels africains qui, parce qu’ayant fait des études supérieures  à l’étranger, croient comme le leur ont enseigné leur maitres les Blancs que tout ce que l’Afrique a comme valeurs est Féticio, artificiel en portugais. En effet, revenu au pays à l’occasion d’un festival au culte, il découvre fortuitement qu’il est prince héritier donc citoyen plénipotentiaire. Il peut donc briser tous les interdits, jouer à l’iconoclaste en feignant tout maîtriser pour ne rien savoir à la fin. Prétentieux, égoïste et espiègle, il croit que les filles du village pourrait être aussi faciles et attirées par le matérialisme, se laisser à lui. La décadence de l’occident selon le terme de Ken Bugul dans Le baobab fou, auquel il a assisté, l’a convaincu que le monde entier est en perte de vitesse. Véritable goujat, il n’a pas su courtiser une fille dans les règles. Tout ce qu’il a trouvé à faire, c’est de l’endormir afin d’abuser d’elle.
Sa mort est une véritable punition et un témoignage vivant du respect que chacun doit à une culture quel qu’elle soit. Se mettre dans un couvent et le profaner. Quand Pythagore mettait, « Nul n’entre ici s’il n’est géomètre », il était conscient du sacré de ses lieux. Un couvent le reste. Définitivement. Point n’a besoin d’aller le pourfendre. C’est vrai qu’il meurt par empoissonnement, mais en réalité, c’est lui-même qui est tombé dans les travers de la société. On peut ne pas croire en des principes, mais il serait sage de garder son incrédulité et de ne pas provoquer. Adéjo, comme Dossou dans L’arbre fétiche de Jean Pliya, l’aura appris au dépend de sa propre vie.  
Ojuoola
C’est la promise d’Adéyêmi. Très amoureuse, elle sait avant tout que les querelles parentales n’ont rien à voir avec les enfants et que, contre vents et marrées, il faille sauver les sentiments qu’elle éprouve pour son homme. Victime d’abus grave  de confiance et de viol, elle a préféré mettre fin à ses jours pour éviter d’essuyer la honte sociale. Honte parce qu’elle est devenue indigne de son homme, honte parce qu’elle aurait peut-être été contrainte de se marier à Adéjo qu’elle n’aimait pas et qui l’a déshonoré, honte enfin parce que, de ce crime aurait pu naître un enfant qu’elle serait obligée de voir toute sa vie, comme le fruit de sa naïveté.
L’esprit chevaleresque prônée par l’antiquité fait surface ici et indique qu’en réalité, comme l’affirme Paul Hazoumè dans Doguicimi, toutes les sociétés, à un moment donné de leur histoire sont passées par des étapes peu glorieuses ou fastes. Les mêmes valeurs sont communes aux peuples et ce n’est pas Descartes qui démentirait quand il déclare que le bon sens est la chose la mieux partagée de l’humanité.

Toun
Sœur d’Adéjo, elle a joué le mauvais rôle dans le récit. Traîtresse, elle n’a pas su rendre à sa cousine la confiance qu’elle lui a accordée. Matérialiste au plus grand degré, elle a été capable de livrer Ojouola contre quelques cadeaux offerts par son frère. Naïve elle n’a pas su s’imaginer la gravité de cette trahison. En fait, certainement vierge elle aussi, elle ne pouvait savoir ce que cela représenterait pour sa cousine. La responsable de la mort de Ojuola, c’est d’abord elle.
Les sages
Aro, Abese, Erulu, Alapini, Aron, sont les quelques sages présents dans le récit. C’est l’incarnation de l’opportunisme même politique. Prêts comme les conseillers de l’Empereur dans La bataille du trône d’Apollinaire Agbazahou, à se dénier, à trahir, à soudoyer pour l’argent. C’est la division affichée entre eux qui a conduit Adéogoun à s’accaparer injustement du pouvoir. Leur seul mérite, c’est la fermeté observée au niveau d’Adéjo et du roi, pour avoir enfreint aux principes secrets.
Oloufadé
  Le prêtre fâ qui contrairement à ce qu’on observe a su respecter la science qu’il profère. On en a vu, nombreux qui se font complices des corrompus pour tordre le cou à la vérité. Sa fidélité au roi et à ses principes est légendaire. On peut lui reprocher par contre de ne pas agir rapidement afin d’éviter la mort mystique d’Adigoun.

Tous ces personnages qui ont fait progresser le récit peuvent se retrouver dans des fonctions consignées au niveau du schéma actanciel suivant :


Zone de Texte: Destinateur                                                                      Objet                                                                  Destinataire
Adigoun                                                                      Devenir Baalè                                                             Adéyêmi    






Opposants                                                                         Sujet                                                                     Adjuvants
                                                                                       Adéyêmi     
 




































Zone de Texte: Adéogoun ; Abese, Aron
Aralamo ; Adéjo ; Apena
Zone de Texte: Adigoun- Ifa-Oloufadé- Alapini- Ojouola
 












SCHEMA ACTANCIEL DE GREIMAS, EXPRIMANT L’ACTION D’ADEYEMI DANS AAGAN











Ente tradition et modernité, Aagan, un récit spatio-temporel ouvert
Le narrataire est plongé dans Aagan par un décor nocturne frais. La ville d’Illé-Atchè qui sert de cadre d’action est présentée en effet à une heure avancée de la nuit : deux heures du matin. Une heure où les habitants sont supposés être au repos, pour la plupart dans les bras de Morphée. Mais le paradoxe est que le calme et la paix évoqués au départ sont déchirés, régulièrement, par des bruits. Ce cadre quiet, est tourmenté par un temps abject.
Des camions-titan en transit, des chiens qui aboient, des chats qui miaulent, des chouettes qui hululent. Le narrateur évoque le signe que ces derniers bruits représentent pour l’initié. Mais en narratologie, ce rappel est un faux suspense. En effet, si le calme de la nuit est brisé par un bruit quel qu’il soit, le signe est clair que la quiétude des personnages sera menacée. Le bruit, élément modificateur dans ce cas, est pris pour un signe annonciateur des bouleversements prochains et certains. Et lorsque l’on rentre dans le domaine occulte, les chouettes et les hiboux, comme il est évoqué, ne peuvent crier gratuitement la nuit. A cela s’ajoutent la colère de la nature qui se manifeste par un grand vent. Du temps calme, l’on passe à la tempête.
Le cadre spatio-temporel est ainsi présenté comme pour planter le décor des tragédies futures. Le récit est également très évocateur sur les victimes de ces tragédies. En effet, l’action du temps, oxymorique sur l’espace conduit le narrataire vers un micro espace qui est l’attention de tous les habitants, mais qui captera tous les lecteurs : le palais royal. Le mouvement de cette tempête n’est pas non plus anodin. De la lagune vers le palais. La lagune, c’est un cours d’eau qu’exploitent les habitants pour leurs besoins vitaux : la pêche, le commerce, le tourisme… Mais lorsqu’une tempête quitte ce cours d’eau pour la ville, plus précisément pour la maison d’un roi par ailleurs grand chef des initiés, c’est un signal fort.
L’eau est en effet le liquide le plus précieux que toutes les religions, révélées comme traditionnelles utilisent. Le baptême de Jésus par exemple s’est fait dans le Jourdain par Jean-Baptiste. C’est avec l’eau que le sacrément baptismal est donné dans la plupart des religions. Le cours d’eau est ainsi un réceptacle de tous les esprits que les initiés qui savent les dompter utilisent  à des fins diverses. C’est ce qu’évoque d’ailleurs Dominique Titus dans Où est passé Fatima, où il indique que le féticheur bénéficie des bienfaits de la nature parce qu’il sait la protéger. Les initiés qui s’occupent des cours d’eau reçoivent ainsi la protection des esprits qui les habitent. Quand Birago Diop évoque ses souffles, il a clairement indiqués que les morts qui sont désormais esprits ne sont pas morts : « ils sont dans l’eau qui coule » etc.
En réalité, c’est un message clair qui est envoyé au Baalè depuis la lagune. Un message mystique qui lui est transmis à travers un rêve. C’est d’ailleurs vers la lagune que le egun qui s’est présenté à lui dans son espace onirique s’est retourné. La conclusion est très claire : c’est le egun qui a quitté la lagune et s’est rendu chez le roi sous la forme d’une tempête.  Le rôle mystique de la lagune est ainsi révélé et  elle devient comme un adjuvent dans la progression du récit.
C’est dans le palais présenté en plein jour que sera dévoilé le message au roi par un homme et une méthode tous aussi mystiques. Le palais et le trône sont menacés par de gens insoupçonnés. Une grande prudence et une méfiance sont à observer à l’égard de tous, même des plus proches. Le prêtre de fâ Oloufadé qui a fait les révélations savait certainement que le message qui a fait sortir le egun de l’eau, n’était pas à prendre à la légère. Il savait sûrement le Baalè condamné sinon, il n’aurait pas effectué un départ si précipité. Lui qui est la solution, qui a les solutions, fuir alors que le danger est clair ?
A cette vérité diurne succéda un décor nocturne. Une nuit noire tombée sur un quartier qui n’a rien du nom qu’il porte : Suru. Suru en Yorouba et emprunté par plusieurs langues du sud Bénin signifie la patience. Mais, ni Aralamo, ni Adéogoun n’ont en leur possession, ce caractère. En effet, c’est à la recherche rapide du gain facile que Aralamo s’est lancé dans la corruption et a été limogé par Adigoun. Adéogoun, frère d’Adigoun, deuxième sur la liste des prétendants au trône n’a pas voulu patienter pour avoir son tour, du moins, n’a pas voulu attendre la mort de son frère aîné qui préparerait à coup sûr son fils Adéyêmi. C’est donc sous la noirceur de la nuit qu’ils ont ourdi un dessein macabre afin d’éliminer le Baalè Adigoun. La narration simultanée des faits a démontré en quoi les incantations et les rituels ont eu raison de celui-ci. Des rituels exécutés dans la brousse en pleine nuit, loin de tous regards, dans une atmosphère de peur, accentuée par les chants d’oiseaux reconnus comme dangereux.
Mais si le rituel nocturne a été bénéfique à Adigoun dans la brousse, c’est dans les mêmes conditions qu’Adéyêmi ira à la recherche du Aagan, début de la descente aux enfers de Adéogoun. En effet, tant la forêt a servi à faire le mal, tant elle va permettre au fils d’Adigoun de rentrer dans ses droits. La forêt garde en elle autant de bienfaits mystiques que l’eau. C’est d’ailleurs une combinaison des deux qui va faire sortir le Aagan. La recherche a conduit ainsi Adéyèmi, de la forêt à la plage, où le Aaagan transformé s’est retrouvé, perché sur un cocotier. Un arbre tout aussi mystique connu pour son fruit, le coco, couvant une eau de source mystérieuse.
Le mystère est présent dans presque tous les cadres du texte à tel enseigne que Adéjo, profanateur et faux iconoclaste, s’est retrouvé piégé au couvent du Egungun. Le cadre simple de ces lieux lui a certainement fait croire à la banalité des objets. Mais mal lui en a pris. Cet espace clos qui était censé lui apporter un peu de prestige auprès de ses copains allemands, s’est transformé en un cauchemar mortel pour lui. Il ne s’en sortira jamais, contraignant son géniteur à un filicide, puis à un suicide.
Ainsi, si l’espace du récit est globalement ouvert- on peut  passer de la lagune à la ville sans obstacle, du palais au quartier Suru, du quartier à l’hôtel sur les hauteurs de Ita Olowo où ont résidé Adéjo et ses amis, au marché centrale ou l’école catholique…, de la ville à la brousse puis à la forêt, puis à la plage. Mais plusieurs micro espaces sont révélés clos et infernal pour certains personnages. Adigoun ne sortira jamais de son palais avant l’ultime heure. Ojouola a connu l’enfer dans cet hôtel avant de finir ses jours dans la maison paternelle. Adéogoun et Adéjo connaitront leur enfer là d’où sort le egun gun protecteur de beaucoup de familles.
L’ouverture de l’espace a atteint l’extérieur même s’il n’est qu’évoqué, d’où sont venus Adéjo et ses amis. L’Allemagne. Le récit n’est pas fermé donc.
Le temps spatial, ici symbolique qui éclaire la compréhension de l’espace, cède sa place au temps historique. En effet, même si le cadre est fortement traditionnel, des indices historiques permettent de situer le récit. L’évocation de la ville carrefour, frontière, certainement entre le Bénin et le Nigeria, avec la ville d’Igbo et qui permet au camion-titan de passer même à deux heures du matin, place le récit dans des périodes contemporaines.  La construction et l’aménagement de la ville, l’évocation des trois religions, musulmane, catholique et traditionnelle, conforte cette thèse de récit moderne. Mieux, nous avons l’évocation des diplôme tels que le PHD, les appareils modernes tels que la camera, les appareils photos, l’avion.
En résumé, nous avons une histoire traditionnelle qui se déroule dans une ville du Bénin, probablement Kétou, qui prend des allures fantastiques il est vrai, mais qui est loin d’être irréaliste. Les faits évoqués, bien que réservés aux initiés, sont vraisemblables. Rien qu’à imaginer les foules que drainent les séances de danse egun egun dans les grandes villes du pays, on croire en la véracité de l’histoire.
   
Anicet Fyoton MEGNIGBETO

Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin de Raouf Mama



ÉTUDE THEMATIQUE


Par Anicet Fyoton MEGNIGBETO


La thématique  dans l’œuvre est variée et suit généralement les normes des contes telles que l’a indiqué Vladimir Propp dans sa morphologie des contes.

1-     L’ÉDUCATION
La maltraitance des enfants
L’enfance reste une thématique récurrente dans les contes et pour cause, la double fonction ludique et didactique qu’il a, mais surtout le fait que son public, bien que varié est quelques fois essentiellement infantile. Et généralement, dans les contes d’orphelin, à spirale ou en miroir, l’on observe chez les adultes, notamment certainement femmes, coépouses ou marâtres cette tendance à voir en l’orphelin, un être fragile, si fragile que son destin, dans leur main, peut être manipulé à coup de fouet, de privation, et de travaux complètement irréalistes. Cependant, le vœu secret, souvent malheureux de ces tuteurs, ne se réalise jamais, car si la première des trente et une fonctions des contes selon la classification de Vladimir Propp est ‘l’éloignement’, la dernière est que le héros épouse la princesse et monte sur le trône.
Ce schéma classique est clairement observé dans le recueil lorsque nous restons avec le conte, « le prince et l’orpheline ». Ici, telle cendrillon, l’orpheline-héroïne Hobami a souffert sous le toit de sa marâtre. Le narrateur indique :
 « Sa marâtre, qui avait trois filles, la faisait travailler sans cesse depuis les premières lueurs de l’aube jusqu’à l’heure où, les sorcières, se drapant des couleurs de la nuit, emplissent l’air de cris à vous glacer le sang. »
Ce passage, illustratif de la maltraitance, fait apparaître, une double souffrance. La souffrance physique pour les travaux illimités, sans répit,  « sans cesse », mais surtout la souffrance morale car, la précision de la fin seule, est traumatisante. Elle est soumise à toutes sortes d’épreuves, car adolescente, elle ne saurait faire face seule aux cris terrifiants des sorcières, souvent incarnées par les oiseaux nocturnes, la chouette ou le hibou.
C’est, endurant cette torture de la part de sa marâtre et aussi de ses trois demi-sœurs que Hobami sera soumise à l’épreuve de la devinette du nom du prince, devinette qui donne accès à toute jeune fille de devenir princesse et habiter le palais. Ainsi, bien qu’ayant subi les railleries et la trahison de ses sœurs, malgré le soin qu’elles mettent dans leur toilette  et les haillons que la marâtre va mettre sur le corps de Hobami pour aller subir l’épreuve du roi, celle-ci qui remportera la victoire grâce à son adjuvent, une vielle femme qui sut lui fournir l’information sésame.
« L’orphelin et le lépreux » reste également dans ce schéma de la maltraitance des enfants. En effet, ce quatrième conte du recueil voit le personnage Sèhou, malheureux orphelin de père et de mère souffrir tellement chez sa marâtre qu’il dut fuguer vers la jungle pour ressembler aux bêtes sauvages avec lesquels, l’on faisait comparer sa vie. Cette marâtre à l’instar du pagne noir, demandait à Sèhou, ce petit enfant de devenir magicien et de transformer un pagne noir en blanc, sous le simple effet de la lessive. Juste pour son plaisir de la voir souffrir, juste parce qu’il n’est pas de sa progéniture, juste parce que l’enfant a connu le tort de perdre ses parents à la naissance.
Mais cette maltraitance, à l’instar des autres dans les contes constitue toujours une épreuve à vaincre par le héros. Car, la vingt sixième fonction qui est la réussite du héros, ne vient qu’après de dures étapes. Ainsi, au bord du gouffre et du désespoir, Sèhou qui voulait se donner la mort, va se ressaisir grâce à la joie de vivre de ce lépreux qu’il aperçut.  
« .Le tam-tam magique » va fonctionner aussi dans ce schéma avec Sagbo, maltraité par sa marâtre. Tout à l’opposé de son demi-frère qui dormait douillettement pendant que lui, arpentait, monts et vallées pour faire les travaux domestiques et d’autres courses, il connaîtra même le renvoi du domicile familial, après une disette. Mais ce sera lui, son épreuve. C’est grâce à cet acte qu’il reviendra d’un pays étrange  sous l’eau, nourrir tout le village.
Si pour les trois contes évoqués ici, il s’agit d’un héros orphelin, maltraité par une marâtre, l’on sera surpris de constater qu’il n’y a pas que les marâtres qui se retrouvent dans cette méchante fonction d’opposant. Des géniteurs directs aussi se retrouvent pour une raison ou une autre dans ce schéma. C’est le cas de ce conte inaugural du recueil au titre évocateur : « l’enfant dont personne n’avait voulu ».
Hangnan Hangnan gba « Vilain pataud »est en effet cet enfant dont la laideur repoussante, obligea son propre géniteur, qui, en sa qualité de roi, estima qu’il n’en n’était pas digne. Et comme un malpropre, un pestiféré, on l’écarta de la société humaine pour lui trouver place en jungle. De la part d’un roi, protecteur de tout le peuple, cela devrait étonner, car si un enfant, qui qu’il soit, ne peut trouver refuge et grâce auprès du roi, le souverain dans ce cas, manquerait à sa fonction. Mais les rois des contes qui ressemblent beaucoup aux rois des anciens royaumes sont polygames affichés avec un harem immense et une progéniture au sein de laquelle, eux-mêmes se perdent tellement elle est abondante. Se débarrasser d’un enfant pour lui, serait donc aisé. Sauf que, si le conte insiste là-dessus, c’est qu’il y a mal être à ce niveau. Un enfant ne saurait subir un sort pareil de la part de qui que ce soit. L’enfant qui devrait rester un projet de vie, non seulement pour les géniteurs mais aussi pour l’enfant lui-même, devrait recevoir de la part des parents, compréhension, amour et communion. Et c’est la leçon donnée par cet enfant rejeté qui devrait édifier.
C’est lui en effet, devenu roi d’un royaume voisin à la suite de son épreuve qu’est l’assassinat de ce serpent amateur de jeunes filles vierges, qui viendra sauver son père de la destruction de son royaume par l’ennemi.
Ainsi, les enfants savent rendre l’acenseur lorsqu’on s’occupe bien d’eux pendant qu’ils en ont le plus besoin.
Mais, le recueil n’a pas présenté que des enfants maltraités. Leur éducation a pris aussi l’autre sens de l’excès où contrairement à la privation qu’ont subi les premiers, eux sont restés dans l’abondance où tout leur est permis.

L’étourdissement
Deux contes vont présentés ce schéma d’enfant gâté qui causeront le malheur de leur parent.
D’abord « Le chant de l’enfant gâté », avec le petit Hingnon, dont la grand-mère a une gentillesse à nulle autre pareille, avec notamment une surprotection et une acceptation de tous les désirs. Le faible pour les caprices de Hingnon, vient de ce qu’elle ne voit en lui que l’image de sa fille partie sur la table d’accouchement. Mais cette pitié, aussi légitime soit-elle, peut-elle justifier cet aveuglément dont a fait preuve ce personnage ? C’est, semble-t-il la grande interrogation de ce conte. Et la fin malheureuse de cette vieille dame doit conduire à conclure, qu’il y a une limite en toute chose. L’amour pour l’enfant ou la transposition de cet amour ne devrait nullement conduire à accepter tout.
Comment peut-elle tomber dans cet excès aussi grave ? Un petit enfant qui exige de manger la viande d’un mouton royal qu’il voit passer. Et malgré les promesses de lui en acheter un autre, il persiste dans le caprice et la vieille y accède. Cette attitude qui relève du peu de sérieux mis dans son éducation consiste une sérieuse leçon donnée à tous les parents gâteux qui ne savent pas la limite entre le tolérable et le refus. Cette vieille l’aura appris à ses dépends en finissant en détention.  L’enfant, qui n’est pas entièrement responsable de ce comportement aussi, avec une condamnation à devenir berger, surveillant des moutons royaux.
Même si la mise en garde est permanente, Agossinon dans « La fillette qui fut à l’origine de la saison des pluies et de la saison sèche » est resté dans ce schéma de la grand-mère de Hingnon. Agossi sa fille, est une mauvaise langue, et elle le sait. Son rôle d’éducatrice aurait été de la canaliser, alors qu’elle est encore, petite fille au lieu de lui accepter ce caprice. Car, si son cœur de mère ne s’était pas laissé attendrir par les pleurs de sa fille avant ce voyage, elle aurait pu s’éviter à elle-même des litres de larmes coulés, des gesticulations à supplier puce et mort de lui rendre sa fille.
Son rôle de mère serait de rester ferme. D’aller même prendre conseil pour lui retirer ce caractère peu social et l’amener à se contenter de voir sans réagir. Agossinon elle-même savait dès le départ que le voyage qu’elle entreprenait pourrait être dangereux avec des êtres de tout acabit agissant bizarrement. Un monde fantastique auquel sa fille n’est pas habituée et qui ne peut ne pas l’étonner. La connaissant déjà avec ce caractère, c’était à elle de prévenir le danger.
Au total, les contes, s’ils condamnent le manque d’amour et d’éducation à l’endroit des êtres fragiles que sont les enfants, mettent aussi les parents en gardent contre l’excès d’amour qui conduit de toute façon à un manque d’éducation puisque socialement, l’enfant fera passer ses désirs avent ceux des autres. Comportement reconnu, complètement antisocial notamment par le contrat social proposé par Jean-Jacques Rousseau.
Mais si, les contes sont axés sur l’éducation des enfants, ils n’ont pas manqué de parler des adultes, surtout en ce qui concerne ces caractères qu’ils développent.
2-     LES CARACTERES HUMAINS
2.1 La ruse et L’intelligence
S’il ya un caractère humain récurrent dans les contes, c’est bien celui de la ruse qui, d’un côté démontre l’intelligence de l’actant qui en use, et de l’autre, révèle la sottise de son interlocuteur. Mais très souvent, il arrive que l’interlocuteur averti, ou se prévient du danger et évite le piège, ou prend sa revanche.
Les contes de ruse se présentent ainsi sous plusieurs aspects et selon Thierry Prieur, Psychopédagogue français, quatre motifs se distinguent dans la ruse : l’éloge de l’anticipation, la maîtrise du détour et du déguisement, la psychologie appliquée et la maîtrise de la logique
2.1.1 La maîtrise du détour et du déguisement
La maîtrise du détour ou du déguisement est ce motif de ruse qui permet à un personnage de prendre tous les autres pour des cons, de les duper à travers un déguisement. Il se fait prendre pour ce qu’il n’est pas et n’a jamais été.
En la matière ici, Yogbo se fait roi. Roi de la ruse par détour ou déguisement. En effet, à l’exception d’un seul conte dans lequel, il a semblé être un bon personnage, encore que même là, il s’est servi de sa ruse pour découvrir les noms des quatre princesses jumelles, partout, il s’est servi du déguisement de sa personnalité, de ses qualités pour arriver à bout des autres.
Déjà à partir du conte éponyme du recueil, « Pourquoi le bouc sent mauvais ? », le narrateur le présente comme un être désormais honnête. En effet connu pour sa fourberie, sa gloutonnerie et duperie, Yagbo, pour avoir la confiance de ses pairs, notamment du roi, a dû se faire passer pour un repenti franc. Un homme tout à fait digne de confiance. Alors que lui-même n’est pas arriver à se convaincre du fait. C’est ainsi que le mouton sacrificiel lui sera confié. La suite se passe de commentaire car, chasser le naturel, il revient au galop.
C’est cette même technique qu’il utilisera dans le dernier conte du recueil, « Comment Yogbo trouva la mort ». « Ma méchanceté, ma gourmandise, ce sont là des choses du passé », ne cesse –t-il de marteler à tout venant. Sauf qu’en réalité, il n’en est rien. Il dupera ainsi buffle, léopard,  boa, lion, éléphant…
Aussi, lorsqu’il réussit à apprivoiser Alougba, la petite très courageuse et travailleuse dans « comment Yogbo le glouton a été dupé », réussit-il à détourner l’attention des villageois chez qu’il il passait. Se faisant passer pour un magicien, capable de faire chanter, à voix d’homme un tam-tam, il gagnait auprès de tous une rémunération en nourriture suffisante pour apaiser sa grande faim.
D’autres personnages cependant vont l’imiter dans le déguisement physique ou psychologique. Il s’agit de ce singe dans « le père cupide » qui se joua du père cupide pour épouser sa fille. En effet, ayant appris les exigences hors normes de ce père qui vendait sa fille au plus offrant, restant sur sa soif depuis, Singe se déguisa, grâce à l’aide de ses compères de la forêt en un homme immensément riche. Si ce n’est que la condition d’être ne peut changer à sa simple volonté personnelle, le Singe serait resté mari de Gbesi pour toujours. Nadjo aura appris au détriment du singe que la cupidité est un caractère très grave qui conduit à la perte de celui qui en use.
Aussi l’hyène dans « Quand la rivière devient le grand trou » profita t-il d’une conversation volée entre Adononsi et Adjoua pour se transformer en jeune fille, se prenant pour Adjoua. Dans la démarche, dans la voix et dans l’habillement, l’hyène prendra cette forme humaine parfaite, trompant ainsi Adnonsi qui n’eut la vie sauve qu’en découvrant juste à temps le stratagème de l’hyène pour la dévorer.
 2.1.2 L’éloge de l’anticipation
L’éloge de l’anticipation consiste à penser une ruse avant de la mettre en pratique. Le récit fonctionne alors comme par analepse pour faire découvrir ce pourquoi, le personnage agissait ainsi.
C’est le cas concret ici même du lièvre dans « Comment le lièvre but de l’eau bouillante et épousa la belle princesse ». Le lièvre savait très bien le but de sa stratégie. En s’arrêtant devant chaque personnage, faisant son éloge, évoquant le sort malheureusement qui l’attendait au bout de l’épreuve, insistant qu’on lui fasse honneur en mentionnant son don de soi au nom de l’amour, il laissait passer le temps ; surtout celui au bout duquel, l’eau changerait d’état. Elle deviendrait bien plus fraîche et raisonnablement consommable. Mais cette raison, c’est bien plus tard que le narrataire le découvre. Seul, l’averti sais aussitôt le but de sa ruse.

2.1.3 La psychologie appliquée
Le motif de la psychologie appliquée relève d’un machiavélisme patent. Le héros a la maîtrise de l’autre.
Dans le recueil, nous avons cette stratégie de Caméléon qui, connaissant son ami crocodile n’a jamais voulu lui faire confiance. Ainsi dans « Comment Caméléon devient source de sagesse » l’on découvre cette ruse de Caméléon, maîtrisant tellement son ami, qu’il voit déjà de loin le piège dans son invitation. Ce geste de faire jeter un bois au lieu de se jeter lui-même est une anticipation intelligente qui relève de la connaissance qu’il a de l’autre. La preuve, le bois jeté, loin d’être doucement accueilli, a été broyé avec force, avec des dégâts au niveau d’une mâchoire certainement traumatisée après avoir subi un choc si inattendu.
L stratégie du Singe dans « le père cupide » est également de la psychologie appliquée, puisqu’il ne se serait jamais déguisé si les exigences de Nadjo ne dépassaient pas les bornes. C’est donc, étudiant la psychologie de ce vieux qu’il a eu cette idée sournoise de devenir humain riche.
Toutes les fois aussi que Yogbo a été dupé, c’est parce que ses interlocuteurs ont compris ce qu’il est réellement. C’est en se servant de sa gourmandise que les parents d’Alougba ont pu recupérer leur fille servant d’appât facile dans le tam-tam de Yogbo.
Aussi, c’est connaissant son caractère fourbe que le singe a réussi à l’envoyer à la mort.

2.1.4 La maîtrise de la logique
La maîtrise de la logique, c’est ce motif de ruse qui consiste à arrêter un conte en faisant réfléchir notamment les apprenants sur une énigme ou comment résoudre le problème du héros ou de l’héroïne.
Ici, nous nous retrouvons  avec pratiquement un seul conte justement titré « Qui peut dénouer la situation » où l’héroïne se trouve face à un dilemme. En effet, avec ses trois amis qui l’ont aidé chacun dans sa compétence donnée pour la sortir des griffes d’un serpent géant qui l’a capturée, elle se retrouve incapable de choisir.  La ruse ici consiste à prendre chez le narrataire son sens de logique, appliquée au contenu concret du récit afin d’en indiquer une issue scientifique. Sauf qu’ici, l’on aura beau réfléchi, il serait logiquement impossible de désigner qui véritablement a sortir Adononsi du danger. Sans les trois mots magiques du premier, ses yeux ne sauraient localiser la jeune fille. C’est grâce aux chaussures magiques du deuxième qu’ils ont pu tous traverser en un éclair la rivière derrière laquelle, le serpent cachait Adononsi et le petit doigt expert du troisième qui soule tout pu extirper la jeune fille des griffes du serpent. Chacun d’eux ainsi, dans son domaine précis a pu apporter son expertise dans la libération de l’héroïne.
Mais, n’étant pas dans une société où règne la polyandrie, l’on ne saurait demander à Adononsi de prendre les trois. Le principe ici, ne sera pas seulement de trouver le vrai acteur, mais de voir la capacité de l’enfant à réfléchir. La maîtrise de la logique est donc un motif de la ruse qui ne fait pas voir forcément les personnages rusés, mais qui teste l’intelligence et la ruse de celui qui écoute le conte.

Au total, la ruse est ce caractère plus répandu dans les contes. Le conte est donc ce canal à travers lequel, le narrateur met en garde son public des pièges possibles dans lesquels, l’homme rusé pourrait le conduire, à la manière de la Fontaine, reprenant les contes d’Ésope qui conclut le corbeau et le renard par : « Mais on ne l’y prendrait plus. »

2.2. L’ingratitude
L’ingratitude est aussi récurrente dans les contes et pour cause, ce caractère humain, de non reconnaissance du bien fait, nuit dangereusement à la société. Car, les bienfaiteurs, se servant de ce caractère observé chez certains, refusent d’aider sciemment et laissent des nécessiteux dans le besoin.
 Des personnages de ce recueil ont fait montre d’ingratitude et la sanction comme tous les mauvais caractères dans le conte en général ne tarde pas. Déjà avec ce personnage dont le nom, véritable torture dans la prononciation ne présageait de lui aucun caractère positif.
Atchanminanguey, pauvre miséreux reçut en effet d’un génie alors qu’il gémissait dans la misère, le pouvoir multiple d’avoir tout  en un éclair. Richesse, pouvoir, serviteurs, femmes et enfants.  La seule condition à laquelle il était astreint était de sacrifier un pigeon et un canard.
Et la condition du génie n’est pas anodine. En réalité,  son souhait est de le voir partager ses richesses avec les pauvres, vu que lui-même pauvre, a reçu gratuitement tout. Ainsi, ce geste de sacrifice devrait consister à se départir d’une partie de ses richesses et en retour, il en aurait davantage. Connaissant la vie de pauvre, normalement, même sans cette condition du génie, l’humain devrait savoir qu’une richesse est terrestre et que c’est bénédiction pour soi que de partager aux nécessité surtout, ce que l’on a.
C’est une invite à tous les riches de savoir que tant qu’autour d’eux, la misère grandiose ne s’amenuise, leur richesse n’est aucunement en sécurité. Ici, par exemple, le narrateur présente trois pauvres qui sont venus successivement réclamer pigeon et canard. Et le conte de dire que c’est le génie lui-même qui s’est déguisé. Mais en réalité, c’est de vrais pauvres  qui ne demandent qu’une toute petite attention de sa part. Cette ingratitude qui lui a coûté sa fortune et le retourna à ses propres origines malheureuses donnent le sens à la fonction didactique du conte qui fait apprendre aux riches que si le partage ne se fait pas d’eux-mêmes, le partage naturel sera plus terrifiant.
Atchanminanguey n’est pas cependant le seul personnage ingrat du recueil. L’autre ingrat attitré est Yogbo dont la gloutonnerie entraîne toujours dans une histoire louche. Avec le pétrin dans lequel il s’est mis tout seul en tuant le mouton sacrificiel et  le recours in extremis qu’il a eu grâce à sa ruse, au canari, le minimum qu’il pouvait faire était non seulement de rendre la pareille en cas de difficultés en le protégeant, mais aussi  et surtout, en lui épargnant la vie. Mais c’est paradoxalement lui qui le premier, et à la première occasion en a profité pour le rôtir. N’eût été ce pouvoir magique du canari, il resterait broyé de tous ses os dans le ventre de Yogbo.
La leçon reçue par l’ingrat, même si elle semble légère à la taille se son acte, est adéquate.

2.3 L’amour et la jalousie
L’amour, cet état affectif positif et négatif à la fois, ne se manifeste pas dans le recueil avec la passion qu’on lui connaît dans les autres genres littéraires. Et pour cause, les récits sont plantés dans un décor où il n’est pas question de recueillir le consentement des deux amants. Il s’agit qu’un roi décide de marier sa fille et de proposer une épreuve. Et cette épreuve n’a jamais consister à sélectionner le plus amoureux, mais le plus pugnace, le plus intelligent… A croire qu’il suffit d’être intelligent pour être compatible avec n’importe qui. Mais l’on comprend que c’est l’esprit chevaleresque qui depuis l’origine du monde où se situe parfais les contes se célèbre.
Le premier qui évoqua ouvertement l’amour, même qi ce n’est en réalité pas le cas est lièvre lorsqu’il se servit de sa ruse pour faire refroidir l’eau bouillante avant de la boire.
« Derrière chaque acte de folie  se trouve une raison
Et pour moi, cette raison, c’est la force de l’amour et de la passion »
Mais l’on pourrait se demander quel est cet amour qui naît alors qu’au préalable, le lièvre n’a eu aucun entretien, aucune possibilité d’échanger avec la princesse. La seule idée qu’il a d’elle, c’est qu’elle est une princesse. Tous les autres concurrents aussi.
L’amour passionnant se retrouve aussi au niveau des « Princesses  jumelles » où le roi d’Allada s’enticha de Zinhoué. Là encore, aucun accord mutuel n’est signalé.
Mais ici apparaît un caractère nouveau, la jalousie. Car, la première femme jalouse de la dernière qui captait plus l’attention du roi, va profiter d’une cérémonie officielle pour tenter de démasquer l’anomalie physique de Zinhoué. Ayant découvert par un trou qu’elle fit discrètement dans le mur de sa douche, qu’elle est manchote, la jalouse voulait se venger que l’infirmité  était un crime dans le royaume, personne, pas même le roi, n’a ce droit de prendre comme femme une handicapée, quelle qu’elle soit.
Même si l’on ne devrait pas parler de jalousie directe, l’on pourra évoquer le cas du « tam-tam magique où, la marâtre sera jalouse de la renommée de sauveur du village qu’a désormais Sagbo, l’orphelin qu’elle maltraitait. Elle va adjoindre son fils Senan de faire le même parcours que rSagbo afin d’avoir la même renommée. Hélas, « le tam-tam » que Sènan rapporta, loin d’apporter à manger, fait sortir des abeilles méchantes qui bourdonnent à en devenir sourd et qui piquent dangereusement.
Une autre forme de jalousie se note chez  la femme du frère aîné dans « L’origine des Crocodiles, poissons et autres aquatiques. » Une jalousie morbide où, elle ne tolère pas que son mari robuste,   partage équitablement les fruits de ses labeurs avec son jeune frère frappé par la maladie et impotent. Mal lui en a pris et la fin de l’histoire laisse présager que la bête hideuse qu’elle est devenue avec son mari est une véritable punition naturelle.
Pourtant il aussi dans le recueil, un amour filial et ou fraternel assez intéressant sur lesquels il ne serait pas superflus de revenir.
Le texte inaugural déjà, même s’il commence par la négation de l’amour envers son fils laid, le narrateur nous a laissé voir une fin heureuse où l’amour a triomphé, avec l’aide du fils, l’humilité et la reconnaissance de son tort. Cet amour sans lequel, il est impossible pour Hangnan-Hagnan Gba de pardonner son père et de venir à sa rescousse.
Le même amour est noté chez les sœurs jumelles dans les « Princesses jumelles » où pour sauver sa sœur de ses pressentiments lugubres, Zinhoué a dû se départir de son avant-bras.
Mais cela, rentre dans un autre cadre, un mystère des jumeaux, sur lequel, il serait intéressant de s’attarder

3-     LE MYSTERE DES JUMEAUX
Les contes africains notamment béninois donnent à lire ou entendre souvent d’histoire de jumeaux de diverses sortes où merveilleux et fantastiques se mélangent. En effet, la tradition béninoise ne conçoit pas les jumeaux comme des êtres ordinaires. En effet, si les à la place d’un seul être, deux s’entendent pour sortir le même jour, il y a une force spéciale qui les guide et ce la ne saurait passer inaperçu. Ainsi, l’on vénère les jumeaux comme des dieux,-il y a à Ouidah, la fête des jumeaux, mais aussi, e, Guinée où, l’on va au-delà des jumeaux pour vénérer les punées, celles qui viennent après eux.
Ce mystère ne manquent pas ces contes notamment dans deux où l’on observe, le manque de concentration à leur opinion observé par leurs parents, fussent-ils roi.
C’est ainsi que sous une menace de disparition pressentie par Zinsa, Zinhoué a été obligée de se couper l’avant bras pour lui donner le bracelet. Et l’on suit l’histoire pour découvrir comment de manière magique et mystérieuse, elle a pu retrouver cette main, cette fois-ci en or pour clouer le bec à la coépouse jalouse.
Cette fin heureuse fait appel à ce sens qu’on leur donne. En réalité, étant dieux, les jumeaux ne sont pas à maltraiter. Aussi, personne ne s’en sort-il jamais indemne après leur avoir cherché noise.
C’est toujours au nom de ce caractère que   dans «  Qui devinera les noms des princesses ». le roi s’est tu lorsqu’elles ont refusé de laisser leur nom à la portée de tout le monde et de refuser celui de leu parent.
4-     LA RELIGION
Le thème de la religion retient particulièrement l’attention pour sa singularité. L’univers du conte présent souvent un monde merveilleux dans lequel, le roi, hyper puissant règne sans partage son peuple. Et cela se conçoit en Afrique aisément vu que nos anciens royaumes sont restés dans ce qu’Apollinaire AGBAZAHOU appela « gnahounou » c’est-à-dire, la loi du plus fort. Aussi, ayant reçu la colonisation tardivement avec les missionnaires, on imagine très peu un roi, s’adonnant à une autre religion que celle traditionnelle.
Pourtant ici, malgré ce pouvoir de vie et de mort sur ces sujets, malgré le fait qu’il se fait appeler « La montagne qu’on ne peut déplacer » incarnant la solidité de son pouvoir, se rend à l’église. Une église chrétienne. Un roi des temps modernes dirons-nous. Et la trame va être conduite de façon à montrer la supériorité du christianisme sur le traditionnel.
C’est cela même la particularité de ce conte. En effet, bien qu’acceptant de mettre pied dans l’église où se prêche une foi autre, le roi se mettait toujours dans ses attributs. Pour lui, c’est une distraction, une simple curiosité de pouvoir étendre son hégémonie partout. Montrer à ses fidèles que ses pouvoirs n’ont pas de limites.
Aussi, c’est avec grande surprise qu’il perçoit ce chant glorieux en faveur d’un Être Suprême. Un être Suprême, dont les pouvoir et limites sont infinis et dépassent l’entendement humain. Du moins, aucun humain, ne peux l’approcher en la matière. Or voilà que ce roi revendiquait déjà les attributs de c’un être pareil. Surprise générale et réaction d’orgueil logique, la suspension d’une telle hérésie à son égard.
Sauf que, justement, et c’est là que l’option du narrateur parait étrange, malgré la volonté des fidèles, malgré cette peur qui les immobilisa un instant, une force surhumaine, les anima au moment de faire le chant, les faisant se surpasser pour faire en sa présence des chants encore plus glorieux.
Et la métamorphose s’installa. L’ange de ce Très Puissant va non seulement opérer sur les fidèles pour leur donner le courage, mais aussi prendre possession du corps du roi qui se croyait fort. Puis, devenant un simple quidam dans son propre royaume, il aura le temps de découvrir l’humanité qui est en lui, une humanité avec des limites et des contraintes, ne pouvant que remercier cette Toute Puissance de l’avoir créer et de lui laisser encore le souffle : Vanité des vanités, tout est vanité tente-t-on de conclure à ce niveau.
Cette histoire anodine paraît simple, mais il laisse cependant perplexe. En réalité, il y a bien eu des histoires pareilles où de simples citoyens croyant en un Être Supérieur,  défie le roi et finit par l’emporter. Il y a aussi cette conception du panthéon africain, où malgré les nombreux dieux adorés ou vénérés, tous les rois mettent au-dessus de tous, un Être Suprême. Peut-être pas avec les mêmes attributs que celui Chrétien ici, mais ils connaissent généralement leur limite.
Cette histoire ressemble fort à la récente histoire politique du Bénin, avec un grand dictateur qui régna de main de fer pendant dix sept ans, mais qui a connu une période creuse où il s’est ressourcé dans le christianisme, avant de retrouver son fauteuil. Comme si celui qui l’a remplacé était cet ange de Dieu, venu remettre les choses à l’endroit, afin de lui montrer ses limites.
Ainsi, ce conte, loin de retrouver dans un décor lointain, le narrataire se retrouve dans un monde proche de lui. On peut noter d’ailleurs l’absence dans la formule introductive de la situation de départ, l’absence d’un locatif précis. « Il y avait une fois un roi. » C’est tout.
Mais ceci, nous l’étudierons amplement dans l’étude de cet espace à travers tous les personnages vivent et évoluent.


II-             L’ESPACE ET LE TEMPS : UN MONDE A LA FOIS MERVEILLEUX ET FANTASTIQUE
L’une des caractéristiques du conte est qu’il fait évoluer ses personnages dans un monde à la fois merveilleux et fantastique. Le merveilleux parce que l’espace est celui de tous les possibles, le fantastique pour l’imbrication du possible et de l’impossible.
Mais une distinction s’impose au niveau de ces notions à partir desquelles l’analyse est faite ? En effet, la frontière est franchement étanche lorsque l’on évoque le fantastique et le merveilleux dans le conte. Les deux évoluant tous avec le surnaturel. Sauf que dans le conte, si le merveilleux incarne des faits acceptés, le fantastique relève de la surprise.
Et dans le recueil, nous sommes abondamment dans le merveilleux du premier au vingtième conte mais avec deux notamment qui font appel à un univers fantastique.
L’espace merveilleux qui se trouve grandement ouvert dans certains récits et clos pour certains personnages dans d’autres offrent à voir divers mondes imaginaires mais avec trois connus du narrataire béninois, Le royaume d’Allada, le royaume d’Adja et le fleuve zou.
C’est avec le conte « Les princesses jumelles » que le narrateur installe le décor dans ce royaume d’Adja avec lequel il fait évoluer un autre royaume, celui d’Allada. Si, ici, l’espace semble ouvert avec la possibilité pour le roi d’Allada d’aller jusqu’à Adja prendre comme épouse l’une des princesses, tous les personnages n’ont pas bénéficié de cette ouverture.  Car, avec le handicap, la princesse Zinhoué dut s’interner, avec un espace réduit. Cet espace qui n’est pas une prison réduit quand même les activités de la princesse, mais avec quelques possibilités de sortie nocturne, celle au cours de laquelle elle rencontre le génie lui offrant le bras en or.
Le fleuve zou quant à lui constitue un espace clos pour Adononsi, retrouvée prise en otage par un énorme serpent derrière ce fleuve, inaccessible presque. N’eût été les forces surnaturelles de ces amis elle serait restée dans cet enferment éternellement, devenant l’épouse du serpent. 
Les   autres espaces imaginaires, dont les spécifications ne permettent de les situer dans un espace connu, sont tout aussi à la fois ouverts et/ou clos.
Ces espaces largement merveilleux font voir un prince, Hangnan gba qui peut séjourner toute l’adolescence dans une jungle en compagnie de tous les animaux même sauvages et revenir aisément dans le monde des vivants, et continuer à éprouver des sentiments humains, sans passer par des psychologues. Ce merveilleux se retrouve roi d’Allada qui ne se surprend même pas de la main en or de sa femme. Le peuple reçoit ce qui en réalité est une métamorphose comme normale car, il est possible d’avoir une main magique.
Le merveilleux, c’est surtout tous ces contes d’animaux où hommes et animaux se parlent et se côtoient aisément. Caméléon et crocodile se parlent, faucon, poule et lézard pour se faire des reproches et éprouver des sentiments, le lièvre peut venir dans un monde humain et prendre et compétir ; cherchant à prendre femme. L’hyène peut opérer un déguisement, et avoir la faculté d’entendre des conversations humaines, les comprendre et imiter une voix d’homme. Un homme peut avoir une vision perçante, un autre peut transformer une chaussure en pirogue sans que cela n’émeuve guère les autres personnages. L’orpheline à l’instar de Cendrillon peut quitter sa maison en guenilles et apparaître totalement métamorphosée à la réception du Prince.
Le pauvre homme peut rencontrer un génie qui transformera sa vie à coup de jet de calebasse. Chaque calebasse fait apparaître une merveille.
Aussi dans cet espace merveilleux, pouvons-nous inclure tous les récits de Yogbo qui peut parler avec autant d’animaux qu’il veut, faire des pactes avec certains, défier d’autres ou même en piéger. Même avec Alougba qu’il emprisonna dans son tam-tam, si, a priori, le doute pourrait planer sur le merveilleux à cause du chant du tam-tam, on peut comprendre aisément que ce tam-tam de Yogbo n’a jamais été magique. 
Ce monde merveilleux n’exclut cependant pas le fantastique avec les mêmes les mêmes caractéristiques : ouvert et ou clos. 
Avec le tam-tam magique, nous rentrons dans le fantastique. Déjà avec un espace sous aquatique clos, mais qui fait manger avec un seul grain de maïs toute une famille composée des objets de tous genres. Si Sagbo, l’orphelin s’est tu, avec face à ce spectacle fantastique, son demi frère n’a pas eu le même comportement. Le tam-tam fantastique avec aussi apparaître avec d’un côté la possibilité de nourrir tout un peuple à la demande ou de ligoter et faire apparaître des abeilles bourdonneuses et piquantes.
Le fantastique c’est aussi cet univers dans lequel, un singe peut opérer sa métamorphe, devenir humain et reprendre sa forme sismique dès que l’envie lui en pris.
Dans « la fillette qui fut à l’origine de la saison des pluies et de la saison sèche », tout apparaît fantastique. La puce qui laboure, le squelette qui se lave, la mort qui a un entretien en bonne et dure forme avec des humains, qui peur garder aussi par devers lui un humain dans son monde et le ramener sur terre à sa guise ; mais surtout des larmes d’une dame qui peuvent attirer la saison pluvieuse. 
Avec le roi qui voulait être Dieu aussi, l’espace au départ ouvert pour le roi mais clos, puis semi clos successivement avant être encore ouvert. Avec le défi qu’il a lancé a Dieu, la trame narrative le conduit enfermé à l’intérieur de l’église dans un premier temps, puis avec un peu plus de liberté chez lui, mais avec un statut différent. Le fantastique ici se note avec l’intervention mystérieuse de Dieu. Une intervention où l’Ange de Dieu intègre le corps du roi et agit comme lui, faisant du vrai roi, un fou du roi parce que délirant presque.
Le merveilleux et le fantastique évoluent dans ce recueil. Mais l’on ne saurait évoquer ici, cet univers sans parler du temps.
 Le temps s’observe dans un récit sous deux angles. Le temps historique c’est-à-dire l’époque et le temps de l’action. Le conte se situe difficilement dans une époque lointaine imprécise avec l’incipit de la situation initiale « il était une fois » « il avait une fois ». L’époque, des contes installe donc les personnages dans un univers, presque primitifs. Le seul conte du recueil à situer dans un temps moderne se trouve être  « le roi qui voulait devenir Dieu » avec un christianisme qui s’invite dans un espace de totalitarisme incarné par un humain.
A l’intérieur des récits, le temps d’action importe peu au conteur. Quelques fois évoqués, le temps apparaît comme réparateur d’injustice. En effet, à la fin tous les personnages méprisés, d’une manière d’une autre, se retrouve comblés et ceux qui méprisent, se retrouvent méprisés. Le temps  est donc catharsis et cela dans l’étude du style du narrateur, nous pouvons correctement l’observer.

III-         LE STYLE
1-       L’ORALITE
Hampâté Bâ disait «  lorsque j’écris, c’est la parole couchée sur le papier[1]  ». Cette vérité incarne se vérifie dans tout texte de genre oral parce que d’abord inspiré de l’oralité. Le présent recueil ne se dérobe pas à la règle avec des caractéristiques de l’oralité visibles.

Un niveau de langue à accent hypoculturel.
L’énoncé oral, de manière générale, porte les accents de la culture endogène auxquels se  trouvent  combinés  les  traits  de  modernité  de  l’écriture.  Raouf Mama  en  use  à  bon escient et son écrit en dégage bien des caractéristiques à commencer par le niveau de langue. 
Un niveau de langue courant que le narrataire observe dès qu’il entre dans le texte avec des formules introductives typique à la culture des langues « gbe »  du sud Bénin. En effet, les situations initiales commencent par des mots qui ne se comprennent que dans le langage fon, un peu comme le fait Birago Diop dans les contes d’Ahmadou Coumba.
« Mon histoire prend son essor, survole contrées et royaumes d’antan » Si la formule est classique, elle prend des variantes et l’image qu’elle contient distingue nettement les peuples. Ici, c’est au conte que le narrateur porte des ailes, avec cette mobilité facile, plus que l’éclair qui le transporte, l’assistance avec, pour une localité imaginaire dont lui seul détient les caractéristiques.
Ce zoomorphisme indique clairement le monde merveilleux vers lequel le conteur mène son public  et prédispose à toutes sortes d’actions fantastiques.
Des dialogues versifiés.
L’autre marque de l’oralité est cette option faite par l’auteur de proposer les répliques des textes occultant les règles de typologie en la matière, tout en vers et surtout rimé :
« Hangnan-Hangnan-Gba, mon fils ! Mon fils Hangnan-Hangnan-Gba !
Que Dieu et les esprits des morts te bénissent pour avoir sauvé
De la conquête et de la destruction de la terre de nos aïeux !
Quand tu étais petit, je t’ai trouvé laid et t’ai abandonné !
Aveuglé par ton apparence, je n’ai pas vu la beauté qui était en toi,
Que Dieu me pardonne le crime que j’ai commis contre mon enfant ! »  L’enfant dont personne ne voulait,

« Suis-je ton père pour qu’ainsi, tu me harcèles ?
De canard ou de pigeon tu n’auras point. De rien, je ne me départirai !
Là où, tu n’as pas semé, tu ne peux récolter !
Va sur la place du marché et vois ce que tu peux acheter ! », La danse de la misère,

« Je volerai jusqu’au bout de la terre,
Tant que tes souffrances je n’aurai calmées,
Et ne t’aurai rendu vigueur et santé,
De repos je ne prendrai. »

Ces répliques qui jalonnent les textes instaurent une certaine musicalité, marque de l’oralité, avec les rimes parfois fausses parfois vraies.

Une intertextualité patente
Les vers reprenant certaines répliques ne sont pas les seuls textes avec cette disposition particulière au niveau des contes. Le conte, à l’oral, à l’instar du roman à l’écrit, est ce genre qui accepte en son sein, la plupart des genres oraux. Ainsi, l’on conçoit très mal, un conte qui de la situation initiale à la situation de départ, ne propose pas une chanson de joie quand le héros est en situation de manque comblé, ou de détresse quand sa situation se détériore.
Presque tous les contes du texte sont donc pourvus de chanson. En voici quelques échantillons :
Morceau choisi 1
« Les fils favoris de mon père, où sont-ils partis ?
Mon père ‘a jeté dans la jungle à ma naissance
Les beaux enfants de mon père, ses enfants chéris,
Qu’ils sauvent ce royaume en si grande souffrance »  L’enfant dont personne ne voulait,

Morceau choisi 2
« L’oiseau au sombre plumage, qui jamais ne se réjouit du malheur d’autrui,
Qui a jamais entendu dire que cet oiseau pilait le mil ?
Voyez les oiseaux au sombre plumage sont venus piler leur mil
L’un est venu du nord, l’autre du sud
Un autre venu de l’est, un autre de l’ouest… » Les Princesses jumelles,

Morceau choisi 3
« J’avais faim. Regardez, Dieu m’a apporté de la nourriture.
Il y a un moment, je contemplais la mort, Maintenant je me réjouis d’être en vie.
Même si la lèpre m’a privé de mes orteils et de mes doigts,
Je m’accrocherai à la vie, car qui sait
Quelles bénédictions Dieu m’apportera »

Morceau choisi 4
« Le feu brûle et dans la jarre,
L’eau fume, elle est bouillonnante,
Pour relever le défi je me présente,
Que par la puissance de mes vénérables aînés,
L’éminente fraternité des devins,
Je puisse, pour changer, sur les autres l’emporter ! » Comment le lièvre but l’eau bouillante et épousa la belle princesse »

En dehors des chansons nous avons des devinettes à l’intérieur de ou à la fin de certains textes. Ceux-ci, grande marque de l’oralité, sont destinés à voir, non seulement l’éveil de l’assistance, mais aussi et surtout le coefficient intellectuel de celui-ci.
Nous avons ainsi le conte « qui peut dénouer le nom de la princesse » qui est en réalité entièrement une devinette. » Le narrataire est amené après écoute, à proposer celui des trois amis de la héroïne à mériter son amour. »
Il ya aussi le conte « le prince et l’orpheline où il était question de deviner le nom du prince pour l’épouser ».
Enfin, nous avons le texte au titre significatif « qui devinera le nom des princesses ». En effet, il est demandé aux prétendants de proposer des noms que même les géniteurs ne connaissent pas. Le style utilisé, ce n’est pas de devenir devin, mais de mettre en œuvre une intelligence, capable d’obtenir d’elles ce sésame précieux pour les épouser.
2-      Une onomastique contextuelle et culturelle
Les noms des personnages des contes de Raouf quelle que soit les fonctions qu’ils ont, sujet, destinateur, destinataire, objet, adjuvant ou opposant se révèle presque toujours adéquats. Ce sont des noms à propos et comme le narrateur l’a indiqué dans l’appendice du texte « le prince et l’orpheline »,  « le nom définit la personne et l’on croit que quiconque connaît votre vrai nom vous tient en son pouvoir. »
 L’onomastique dans le recueil va ainsi de pair avec le contenu narratif et le lecteur ou l’auditeur de l’aire culturelle fon, se retrouve aisément.
Hangnan-Hangnan-Gba qui est le premier nom de personnage proposé se retrouve dans cette logique de nom selon le rôle du personnage. En effet, Hangnan-Hangnan-Gba reste une onomatopée qui désigne le désordre, la divinité « Lêgba », qui, lorsque l’on ne lui reconnaît pas sa place, se mêle à tout, casse tout sur son chemin. Les fon l’ont tellement compris qu’aucune entreprise traditionnelle ne se fait sans qu’au prime abord, l’on ne lui face des louange à l’instar du panégyrique de Legba » proposé par le Professeur Mahougnon Kakpo, dans son introduction à une poétique du Fa. Hangnan-Hangnan-Gba, est donc le Lêgba du royaume de son père, et tant que celui-ci ne lui reconnaît pas la place qui est sienne, le royaume sera à la merci de tout ennemi envieux. C’est ainsi que quand il a délivré le royaume voisin de la méchanceté du royaume voisin, sa place lui a été reconnu avec une intronisation. Le père lui aussi a dû, toute honte avalée, reconnaître son tort de l’avoir rejeté, pour bénéficié de ses services salvateurs.
Zinsa et Zinhoué aussi incarnent ces noms à résonnance traditionnelle où ce sont des jumelles, culturellement assimilée au singe. « le Zin » désignant le singe.
Le nom « Dénangnan »  attribué au prince dont les parents ont perdu tous leurs enfants nés avant lui, relate ce désir de voir celui-là vivre au moins. Et comme culturellement, celui qui détient le nom détient la personne elle-même, celui-ci sera gardé secret. L’un deux vivra.
C’est aussi dans cet esprit que s’inscrit le nom des quatre jumelles qui elles, ont même caché leur nom jusqu’à leur géniteur.
Hobami, l’orpheline qui épousa finalement ce prince a aussi un nom significatif. Littéralement « Hobami » c’est « la parole m’a cherché ». On pourrait le comprendre par, innocent, je me suis retrouvé dans un imbroglio, un guet-apens. Évidemment, avec la mort de sa mère, c’est un véritable enfer qu’elle a vécu avec la marâtre et ses trois demi sœurs. 
Ainsi des noms « Sèhou », « Atchanminaguey » et autres.

3-      De la construction des textes
 Les contes du recueil suivent  tous le schéma narratif traditionnel des contes : situation initiale avec une formule consacrée, un élément modificateur, une série d’actions et une situation finale avec une leçon de morale sont renforcée par une structuration selon  Denis Paulmes, où le héros peut évoluer suivant trois courbes différentes
 Une  courbe ascendante :
Manque- amélioration- manque comblé
Une courbe descendant
Situation normale- détérioration- manque
Une courbe en spirale
Le schéma ascendant  +le schéma descendant.
Avec les contes d’Orphelin, le schéma ascendant est nettement déterminé avec par exemple « le prince et l’orphelin » où Hobami, l’orpheline, en situation de manque au départ avec une maltraitance criarde, a vu sa vie s’améliorer avec la rencontre de la vielle dame, qui lui indique non seulement le chemin à emprunter, mais surtout le nom du prince. Elle a eu son manque comblé avec le mariage avec le prince et la cessation de la maltraitance.
La courbe descendante c’est par exemple Yogbo dans « Comment Yogbo le glouton a été dupé » avec une situation normale où c’est lui qui a réussi à tromper la vigilance d’Alougba, en l’apprivoisa dans son tam-tam. Mais au fil du conte, il y a eu détérioration avec la ruse des parents de la jeune fille, et le refus de chanter du tam-tam.
Le schéma en spirale s’observe avec « le tam-tam magique » où lorsque Sagbo a subi le schéma ascendant, en sortant victorieusement des griffes de sa marâtre, Sènan s’est retrouvé à faire la courbe ascendante où il finira ligoté puis bouffé par les abeilles, dans une situation de manque total.
Au total, le style de Raouf Mama reste ancré dans la culture fon d’où il a puisé son inspiration pour la plupart des textes, avec lune particularité qui le voit faire des révélations sur sa méthode de travail ou sur les rapprochements à faire   antre les contes du texte ou entre ceux-ci et d’autres contes. La morphologie des contes suggérée par Vladimir Propp et repris par Bernardin Kpogodo qui a aussi travaillé sur les contes du répertoire de l’aire culturelle « gbe », se retrouve ainsi respectée avec toutes les caractéristiques possibles.

 Anicet Fyoton MEGNIGBETO


[1] Amadou Hampâté BÂ, Griffon, décembre 1994 http :jm . saliege.com/hampâté.htm consulté le 9/12/2016