Par Anicet Fyoton MEGNIGBETO
La thématique dans
l’œuvre est variée et suit généralement les normes des contes telles que l’a
indiqué Vladimir Propp dans sa morphologie des contes.
1- L’ÉDUCATION
La
maltraitance des enfants
L’enfance reste une thématique
récurrente dans les contes et pour cause, la double fonction ludique et
didactique qu’il a, mais surtout le fait que son public, bien que varié est
quelques fois essentiellement infantile. Et généralement, dans les contes
d’orphelin, à spirale ou en miroir, l’on observe chez les adultes, notamment
certainement femmes, coépouses ou marâtres cette tendance à voir en l’orphelin,
un être fragile, si fragile que son destin, dans leur main, peut être manipulé
à coup de fouet, de privation, et de travaux complètement irréalistes.
Cependant, le vœu secret, souvent malheureux de ces tuteurs, ne se réalise
jamais, car si la première des trente et une fonctions des contes selon la
classification de Vladimir Propp est ‘l’éloignement’, la dernière est que le
héros épouse la princesse et monte sur le trône.
Ce schéma classique est
clairement observé dans le recueil lorsque nous restons avec le conte,
« le prince et l’orpheline ». Ici, telle cendrillon, l’orpheline-héroïne
Hobami a souffert sous le toit de sa marâtre. Le narrateur indique :
« Sa
marâtre, qui avait trois filles, la faisait travailler sans cesse depuis les
premières lueurs de l’aube jusqu’à l’heure où, les sorcières, se drapant des
couleurs de la nuit, emplissent l’air de cris à vous glacer le sang. »
Ce passage, illustratif de la
maltraitance, fait apparaître, une double souffrance. La souffrance physique
pour les travaux illimités, sans répit,
« sans cesse », mais surtout la souffrance morale car, la
précision de la fin seule, est traumatisante. Elle est soumise à toutes sortes
d’épreuves, car adolescente, elle ne saurait faire face seule aux cris
terrifiants des sorcières, souvent incarnées par les oiseaux nocturnes, la
chouette ou le hibou.
C’est, endurant cette torture
de la part de sa marâtre et aussi de ses trois demi-sœurs que Hobami sera
soumise à l’épreuve de la devinette du nom du prince, devinette qui donne accès
à toute jeune fille de devenir princesse et habiter le palais. Ainsi, bien qu’ayant
subi les railleries et la trahison de ses sœurs, malgré le soin qu’elles
mettent dans leur toilette et les
haillons que la marâtre va mettre sur le corps de Hobami pour aller subir
l’épreuve du roi, celle-ci qui remportera la victoire grâce à son adjuvent, une
vielle femme qui sut lui fournir l’information sésame.
« L’orphelin et le
lépreux » reste également dans ce schéma de la maltraitance des enfants.
En effet, ce quatrième conte du recueil voit le personnage Sèhou, malheureux
orphelin de père et de mère souffrir tellement chez sa marâtre qu’il dut fuguer
vers la jungle pour ressembler aux bêtes sauvages avec lesquels, l’on faisait
comparer sa vie. Cette marâtre à l’instar du pagne noir, demandait à Sèhou, ce
petit enfant de devenir magicien et de transformer un pagne noir en blanc, sous
le simple effet de la lessive. Juste pour son plaisir de la voir souffrir,
juste parce qu’il n’est pas de sa progéniture, juste parce que l’enfant a connu
le tort de perdre ses parents à la naissance.
Mais cette maltraitance, à
l’instar des autres dans les contes constitue toujours une épreuve à vaincre
par le héros. Car, la vingt sixième fonction qui est la réussite du héros, ne
vient qu’après de dures étapes. Ainsi, au bord du gouffre et du désespoir,
Sèhou qui voulait se donner la mort, va se ressaisir grâce à la joie de vivre
de ce lépreux qu’il aperçut.
« .Le tam-tam
magique » va fonctionner aussi dans ce schéma avec Sagbo, maltraité par sa
marâtre. Tout à l’opposé de son demi-frère qui dormait douillettement pendant
que lui, arpentait, monts et vallées pour faire les travaux domestiques et
d’autres courses, il connaîtra même le renvoi du domicile familial, après une
disette. Mais ce sera lui, son épreuve. C’est grâce à cet acte qu’il reviendra
d’un pays étrange sous l’eau, nourrir
tout le village.
Si pour les trois contes
évoqués ici, il s’agit d’un héros orphelin, maltraité par une marâtre, l’on
sera surpris de constater qu’il n’y a pas que les marâtres qui se retrouvent
dans cette méchante fonction d’opposant. Des géniteurs directs aussi se
retrouvent pour une raison ou une autre dans ce schéma. C’est le cas de ce
conte inaugural du recueil au titre évocateur : « l’enfant dont
personne n’avait voulu ».
Hangnan Hangnan gba
« Vilain pataud »est en effet cet enfant dont la laideur repoussante,
obligea son propre géniteur, qui, en sa qualité de roi, estima qu’il n’en
n’était pas digne. Et comme un malpropre, un pestiféré, on l’écarta de la
société humaine pour lui trouver place en jungle. De la part d’un roi,
protecteur de tout le peuple, cela devrait étonner, car si un enfant, qui qu’il
soit, ne peut trouver refuge et grâce auprès du roi, le souverain dans ce cas,
manquerait à sa fonction. Mais les rois des contes qui ressemblent beaucoup aux
rois des anciens royaumes sont polygames affichés avec un harem immense et une
progéniture au sein de laquelle, eux-mêmes se perdent tellement elle est
abondante. Se débarrasser d’un enfant pour lui, serait donc aisé. Sauf que, si
le conte insiste là-dessus, c’est qu’il y a mal être à ce niveau. Un enfant ne
saurait subir un sort pareil de la part de qui que ce soit. L’enfant qui
devrait rester un projet de vie, non seulement pour les géniteurs mais aussi
pour l’enfant lui-même, devrait recevoir de la part des parents, compréhension,
amour et communion. Et c’est la leçon donnée par cet enfant rejeté qui devrait
édifier.
C’est lui en effet, devenu roi
d’un royaume voisin à la suite de son épreuve qu’est l’assassinat de ce serpent
amateur de jeunes filles vierges, qui viendra sauver son père de la destruction
de son royaume par l’ennemi.
Ainsi, les enfants savent
rendre l’acenseur lorsqu’on s’occupe bien d’eux pendant qu’ils en ont le plus
besoin.
Mais, le recueil n’a pas
présenté que des enfants maltraités. Leur éducation a pris aussi l’autre sens
de l’excès où contrairement à la privation qu’ont subi les premiers, eux sont
restés dans l’abondance où tout leur est permis.
L’étourdissement
Deux contes vont présentés ce
schéma d’enfant gâté qui causeront le malheur de leur parent.
D’abord « Le chant de
l’enfant gâté », avec le petit Hingnon, dont la grand-mère a une
gentillesse à nulle autre pareille, avec notamment une surprotection et une
acceptation de tous les désirs. Le faible pour les caprices de Hingnon, vient
de ce qu’elle ne voit en lui que l’image de sa fille partie sur la table
d’accouchement. Mais cette pitié, aussi légitime soit-elle, peut-elle justifier
cet aveuglément dont a fait preuve ce personnage ? C’est, semble-t-il la
grande interrogation de ce conte. Et la fin malheureuse de cette vieille dame
doit conduire à conclure, qu’il y a une limite en toute chose. L’amour pour
l’enfant ou la transposition de cet amour ne devrait nullement conduire à
accepter tout.
Comment peut-elle tomber dans
cet excès aussi grave ? Un petit enfant qui exige de manger la viande d’un
mouton royal qu’il voit passer. Et malgré les promesses de lui en acheter un
autre, il persiste dans le caprice et la vieille y accède. Cette attitude qui
relève du peu de sérieux mis dans son éducation consiste une sérieuse leçon
donnée à tous les parents gâteux qui ne savent pas la limite entre le tolérable
et le refus. Cette vieille l’aura appris à ses dépends en finissant en
détention. L’enfant, qui n’est pas
entièrement responsable de ce comportement aussi, avec une condamnation à
devenir berger, surveillant des moutons royaux.
Même si la mise en garde est
permanente, Agossinon dans « La fillette qui fut à l’origine de la saison
des pluies et de la saison sèche » est resté dans ce schéma de la
grand-mère de Hingnon. Agossi sa fille, est une mauvaise langue, et elle le
sait. Son rôle d’éducatrice aurait été de la canaliser, alors qu’elle est encore,
petite fille au lieu de lui accepter ce caprice. Car, si son cœur de mère ne
s’était pas laissé attendrir par les pleurs de sa fille avant ce voyage, elle
aurait pu s’éviter à elle-même des litres de larmes coulés, des gesticulations
à supplier puce et mort de lui rendre sa fille.
Son rôle de mère serait de
rester ferme. D’aller même prendre conseil pour lui retirer ce caractère peu
social et l’amener à se contenter de voir sans réagir. Agossinon elle-même
savait dès le départ que le voyage qu’elle entreprenait pourrait être dangereux
avec des êtres de tout acabit agissant bizarrement. Un monde fantastique auquel
sa fille n’est pas habituée et qui ne peut ne pas l’étonner. La connaissant
déjà avec ce caractère, c’était à elle de prévenir le danger.
Au total, les contes, s’ils
condamnent le manque d’amour et d’éducation à l’endroit des êtres fragiles que
sont les enfants, mettent aussi les parents en gardent contre l’excès d’amour
qui conduit de toute façon à un manque d’éducation puisque socialement, l’enfant
fera passer ses désirs avent ceux des autres. Comportement reconnu,
complètement antisocial notamment par le contrat social proposé par
Jean-Jacques Rousseau.
Mais si, les contes sont axés
sur l’éducation des enfants, ils n’ont pas manqué de parler des adultes,
surtout en ce qui concerne ces caractères qu’ils développent.
2- LES CARACTERES HUMAINS
2.1 La
ruse et L’intelligence
S’il ya un caractère humain
récurrent dans les contes, c’est bien celui de la ruse qui, d’un côté démontre
l’intelligence de l’actant qui en use, et de l’autre, révèle la sottise de son
interlocuteur. Mais très souvent, il arrive que l’interlocuteur averti, ou se
prévient du danger et évite le piège, ou prend sa revanche.
Les contes de ruse se présentent
ainsi sous plusieurs aspects et selon Thierry Prieur, Psychopédagogue français,
quatre motifs se distinguent dans la ruse : l’éloge de l’anticipation, la
maîtrise du détour et du déguisement, la psychologie appliquée et la maîtrise
de la logique
2.1.1
La maîtrise du détour et du déguisement
La maîtrise du détour ou du
déguisement est ce motif de ruse qui permet à un personnage de prendre tous les
autres pour des cons, de les duper à travers un déguisement. Il se fait prendre
pour ce qu’il n’est pas et n’a jamais été.
En la matière ici, Yogbo se
fait roi. Roi de la ruse par détour ou déguisement. En effet, à l’exception
d’un seul conte dans lequel, il a semblé être un bon personnage, encore que
même là, il s’est servi de sa ruse pour découvrir les noms des quatre
princesses jumelles, partout, il s’est servi du déguisement de sa personnalité,
de ses qualités pour arriver à bout des autres.
Déjà à partir du conte éponyme
du recueil, « Pourquoi le bouc sent mauvais ? », le narrateur le
présente comme un être désormais honnête. En effet connu pour sa fourberie, sa
gloutonnerie et duperie, Yagbo, pour avoir la confiance de ses pairs, notamment
du roi, a dû se faire passer pour un repenti franc. Un homme tout à fait digne
de confiance. Alors que lui-même n’est pas arriver à se convaincre du fait. C’est
ainsi que le mouton sacrificiel lui sera confié. La suite se passe de
commentaire car, chasser le naturel, il revient au galop.
C’est cette même technique
qu’il utilisera dans le dernier conte du recueil, « Comment Yogbo trouva
la mort ». « Ma méchanceté, ma gourmandise, ce sont là des choses du
passé », ne cesse –t-il de marteler à tout venant. Sauf qu’en réalité, il
n’en est rien. Il dupera ainsi buffle, léopard,
boa, lion, éléphant…
Aussi, lorsqu’il réussit à
apprivoiser Alougba, la petite très courageuse et travailleuse dans
« comment Yogbo le glouton a été dupé », réussit-il à détourner
l’attention des villageois chez qu’il il passait. Se faisant passer pour un
magicien, capable de faire chanter, à voix d’homme un tam-tam, il gagnait auprès
de tous une rémunération en nourriture suffisante pour apaiser sa grande faim.
D’autres personnages cependant
vont l’imiter dans le déguisement physique ou psychologique. Il s’agit de ce
singe dans « le père cupide » qui se joua du père cupide pour épouser
sa fille. En effet, ayant appris les exigences hors normes de ce père qui
vendait sa fille au plus offrant, restant sur sa soif depuis, Singe se déguisa,
grâce à l’aide de ses compères de la forêt en un homme immensément riche. Si ce
n’est que la condition d’être ne peut changer à sa simple volonté personnelle,
le Singe serait resté mari de Gbesi pour toujours. Nadjo aura appris au
détriment du singe que la cupidité est un caractère très grave qui conduit à la
perte de celui qui en use.
Aussi l’hyène dans « Quand
la rivière devient le grand trou » profita t-il d’une conversation volée
entre Adononsi et Adjoua pour se transformer en jeune fille, se prenant pour
Adjoua. Dans la démarche, dans la voix et dans l’habillement, l’hyène prendra
cette forme humaine parfaite, trompant ainsi Adnonsi qui n’eut la vie sauve
qu’en découvrant juste à temps le stratagème de l’hyène pour la dévorer.
2.1.2 L’éloge
de l’anticipation
L’éloge de l’anticipation
consiste à penser une ruse avant de la mettre en pratique. Le récit fonctionne
alors comme par analepse pour faire découvrir ce pourquoi, le personnage
agissait ainsi.
C’est le cas concret ici même
du lièvre dans « Comment le lièvre but de l’eau bouillante et épousa la
belle princesse ». Le lièvre savait très bien le but de sa stratégie. En
s’arrêtant devant chaque personnage, faisant son éloge, évoquant le sort
malheureusement qui l’attendait au bout de l’épreuve, insistant qu’on lui fasse
honneur en mentionnant son don de soi au nom de l’amour, il laissait passer le
temps ; surtout celui au bout duquel, l’eau changerait d’état. Elle
deviendrait bien plus fraîche et raisonnablement consommable. Mais cette
raison, c’est bien plus tard que le narrataire le découvre. Seul, l’averti sais
aussitôt le but de sa ruse.
2.1.3
La psychologie appliquée
Le motif de la psychologie
appliquée relève d’un machiavélisme patent. Le héros a la maîtrise de l’autre.
Dans le recueil, nous avons
cette stratégie de Caméléon qui, connaissant son ami crocodile n’a jamais voulu
lui faire confiance. Ainsi dans « Comment Caméléon devient source de
sagesse » l’on découvre cette ruse de Caméléon, maîtrisant tellement son
ami, qu’il voit déjà de loin le piège dans son invitation. Ce geste de faire
jeter un bois au lieu de se jeter lui-même est une anticipation intelligente
qui relève de la connaissance qu’il a de l’autre. La preuve, le bois jeté, loin
d’être doucement accueilli, a été broyé avec force, avec des dégâts au niveau
d’une mâchoire certainement traumatisée après avoir subi un choc si inattendu.
L stratégie du Singe dans
« le père cupide » est également de la psychologie appliquée,
puisqu’il ne se serait jamais déguisé si les exigences de Nadjo ne dépassaient
pas les bornes. C’est donc, étudiant la psychologie de ce vieux qu’il a eu cette
idée sournoise de devenir humain riche.
Toutes les fois aussi que
Yogbo a été dupé, c’est parce que ses interlocuteurs ont compris ce qu’il est
réellement. C’est en se servant de sa gourmandise que les parents d’Alougba ont
pu recupérer leur fille servant d’appât facile dans le tam-tam de Yogbo.
Aussi, c’est connaissant son
caractère fourbe que le singe a réussi à l’envoyer à la mort.
2.1.4
La maîtrise de la logique
La maîtrise de la logique,
c’est ce motif de ruse qui consiste à arrêter un conte en faisant réfléchir
notamment les apprenants sur une énigme ou comment résoudre le problème du
héros ou de l’héroïne.
Ici, nous nous retrouvons avec pratiquement un seul conte justement
titré « Qui peut dénouer la situation » où l’héroïne se trouve face à
un dilemme. En effet, avec ses trois amis qui l’ont aidé chacun dans sa
compétence donnée pour la sortir des griffes d’un serpent géant qui l’a
capturée, elle se retrouve incapable de choisir. La ruse ici consiste à prendre chez le
narrataire son sens de logique, appliquée au contenu concret du récit afin d’en
indiquer une issue scientifique. Sauf qu’ici, l’on aura beau réfléchi, il
serait logiquement impossible de désigner qui véritablement a sortir Adononsi
du danger. Sans les trois mots magiques du premier, ses yeux ne sauraient
localiser la jeune fille. C’est grâce aux chaussures magiques du deuxième
qu’ils ont pu tous traverser en un éclair la rivière derrière laquelle, le
serpent cachait Adononsi et le petit doigt expert du troisième qui soule tout
pu extirper la jeune fille des griffes du serpent. Chacun d’eux ainsi, dans son
domaine précis a pu apporter son expertise dans la libération de l’héroïne.
Mais, n’étant pas dans une
société où règne la polyandrie, l’on ne saurait demander à Adononsi de prendre
les trois. Le principe ici, ne sera pas seulement de trouver le vrai acteur,
mais de voir la capacité de l’enfant à réfléchir. La maîtrise de la logique est
donc un motif de la ruse qui ne fait pas voir forcément les personnages rusés,
mais qui teste l’intelligence et la ruse de celui qui écoute le conte.
Au total, la ruse est ce
caractère plus répandu dans les contes. Le conte est donc ce canal à travers
lequel, le narrateur met en garde son public des pièges possibles dans
lesquels, l’homme rusé pourrait le conduire, à la manière de la Fontaine,
reprenant les contes d’Ésope qui conclut le corbeau et le renard par :
« Mais on ne l’y prendrait plus. »
2.2.
L’ingratitude
L’ingratitude est aussi
récurrente dans les contes et pour cause, ce caractère humain, de non
reconnaissance du bien fait, nuit dangereusement à la société. Car, les
bienfaiteurs, se servant de ce caractère observé chez certains, refusent
d’aider sciemment et laissent des nécessiteux dans le besoin.
Des personnages de ce recueil ont fait montre
d’ingratitude et la sanction comme tous les mauvais caractères dans le conte en
général ne tarde pas. Déjà avec ce personnage dont le nom, véritable torture
dans la prononciation ne présageait de lui aucun caractère positif.
Atchanminanguey, pauvre
miséreux reçut en effet d’un génie alors qu’il gémissait dans la misère, le
pouvoir multiple d’avoir tout en un
éclair. Richesse, pouvoir, serviteurs, femmes et enfants. La seule condition à laquelle il était
astreint était de sacrifier un pigeon et un canard.
Et la condition du génie n’est
pas anodine. En réalité, son souhait est
de le voir partager ses richesses avec les pauvres, vu que lui-même pauvre, a
reçu gratuitement tout. Ainsi, ce geste de sacrifice devrait consister à se
départir d’une partie de ses richesses et en retour, il en aurait davantage.
Connaissant la vie de pauvre, normalement, même sans cette condition du génie,
l’humain devrait savoir qu’une richesse est terrestre et que c’est bénédiction
pour soi que de partager aux nécessité surtout, ce que l’on a.
C’est une invite à tous les
riches de savoir que tant qu’autour d’eux, la misère grandiose ne s’amenuise,
leur richesse n’est aucunement en sécurité. Ici, par exemple, le narrateur
présente trois pauvres qui sont venus successivement réclamer pigeon et canard.
Et le conte de dire que c’est le génie lui-même qui s’est déguisé. Mais en
réalité, c’est de vrais pauvres qui ne
demandent qu’une toute petite attention de sa part. Cette ingratitude qui lui a
coûté sa fortune et le retourna à ses propres origines malheureuses donnent le
sens à la fonction didactique du conte qui fait apprendre aux riches que si le
partage ne se fait pas d’eux-mêmes, le partage naturel sera plus terrifiant.
Atchanminanguey n’est pas
cependant le seul personnage ingrat du recueil. L’autre ingrat attitré est
Yogbo dont la gloutonnerie entraîne toujours dans une histoire louche.
Avec le pétrin dans lequel il s’est mis tout seul en tuant le mouton
sacrificiel et le recours in extremis
qu’il a eu grâce à sa ruse, au canari, le minimum qu’il pouvait faire était non
seulement de rendre la pareille en cas de difficultés en le protégeant, mais
aussi et surtout, en lui épargnant la
vie. Mais c’est paradoxalement lui qui le premier, et à la première occasion en
a profité pour le rôtir. N’eût été ce pouvoir magique du canari, il resterait
broyé de tous ses os dans le ventre de Yogbo.
La leçon reçue par l’ingrat,
même si elle semble légère à la taille se son acte, est adéquate.
2.3 L’amour et la
jalousie
L’amour, cet état affectif
positif et négatif à la fois, ne se manifeste pas dans le recueil avec la
passion qu’on lui connaît dans les autres genres littéraires. Et pour cause,
les récits sont plantés dans un décor où il n’est pas question de recueillir le
consentement des deux amants. Il s’agit qu’un roi décide de marier sa fille et
de proposer une épreuve. Et cette épreuve n’a jamais consister à sélectionner
le plus amoureux, mais le plus pugnace, le plus intelligent… A croire qu’il suffit
d’être intelligent pour être compatible avec n’importe qui. Mais l’on comprend
que c’est l’esprit chevaleresque qui depuis l’origine du monde où se situe
parfais les contes se célèbre.
Le premier qui évoqua
ouvertement l’amour, même qi ce n’est en réalité pas le cas est lièvre
lorsqu’il se servit de sa ruse pour faire refroidir l’eau bouillante avant de
la boire.
« Derrière chaque acte de folie se
trouve une raison
Et
pour moi, cette raison, c’est la force de l’amour et de la passion »
Mais l’on pourrait se demander
quel est cet amour qui naît alors qu’au préalable, le lièvre n’a eu aucun
entretien, aucune possibilité d’échanger avec la princesse. La seule idée qu’il
a d’elle, c’est qu’elle est une princesse. Tous les autres concurrents aussi.
L’amour passionnant se
retrouve aussi au niveau des « Princesses
jumelles » où le roi d’Allada s’enticha de Zinhoué. Là encore,
aucun accord mutuel n’est signalé.
Mais ici apparaît un caractère
nouveau, la jalousie. Car, la première femme jalouse de la dernière qui captait
plus l’attention du roi, va profiter d’une cérémonie officielle pour tenter de
démasquer l’anomalie physique de Zinhoué. Ayant découvert par un trou qu’elle
fit discrètement dans le mur de sa douche, qu’elle est manchote, la jalouse
voulait se venger que l’infirmité était
un crime dans le royaume, personne, pas même le roi, n’a ce droit de prendre
comme femme une handicapée, quelle qu’elle soit.
Même si l’on ne devrait pas
parler de jalousie directe, l’on pourra évoquer le cas du « tam-tam magique
où, la marâtre sera jalouse de la renommée de sauveur du village qu’a désormais
Sagbo, l’orphelin qu’elle maltraitait. Elle va adjoindre son fils Senan de
faire le même parcours que rSagbo afin d’avoir la même renommée. Hélas,
« le tam-tam » que Sènan rapporta, loin d’apporter à manger, fait
sortir des abeilles méchantes qui bourdonnent à en devenir sourd et qui piquent
dangereusement.
Une autre forme de jalousie se
note chez la femme du frère aîné dans
« L’origine des Crocodiles, poissons et autres aquatiques. » Une
jalousie morbide où, elle ne tolère pas que son mari robuste, partage équitablement les fruits de ses
labeurs avec son jeune frère frappé par la maladie et impotent. Mal lui en a
pris et la fin de l’histoire laisse présager que la bête hideuse qu’elle est
devenue avec son mari est une véritable punition naturelle.
Pourtant il aussi dans le
recueil, un amour filial et ou fraternel assez intéressant sur lesquels il ne
serait pas superflus de revenir.
Le texte inaugural déjà, même
s’il commence par la négation de l’amour envers son fils laid, le narrateur
nous a laissé voir une fin heureuse où l’amour a triomphé, avec l’aide du fils,
l’humilité et la reconnaissance de son tort. Cet amour sans lequel, il est
impossible pour Hangnan-Hagnan Gba de pardonner son père et de venir à sa
rescousse.
Le même amour est noté chez
les sœurs jumelles dans les « Princesses jumelles » où pour sauver sa
sœur de ses pressentiments lugubres, Zinhoué a dû se départir de son
avant-bras.
Mais cela, rentre dans un
autre cadre, un mystère des jumeaux, sur lequel, il serait intéressant de
s’attarder
3- LE MYSTERE DES JUMEAUX
Les contes africains notamment
béninois donnent à lire ou entendre souvent d’histoire de jumeaux de diverses
sortes où merveilleux et fantastiques se mélangent. En effet, la tradition
béninoise ne conçoit pas les jumeaux comme des êtres ordinaires. En effet, si
les à la place d’un seul être, deux s’entendent pour sortir le même jour, il y
a une force spéciale qui les guide et ce la ne saurait passer inaperçu. Ainsi,
l’on vénère les jumeaux comme des dieux,-il y a à Ouidah, la fête des jumeaux,
mais aussi, e, Guinée où, l’on va au-delà des jumeaux pour vénérer les punées,
celles qui viennent après eux.
Ce mystère ne manquent pas ces
contes notamment dans deux où l’on observe, le manque de concentration à leur
opinion observé par leurs parents, fussent-ils roi.
C’est ainsi que sous une
menace de disparition pressentie par Zinsa, Zinhoué a été obligée de se couper
l’avant bras pour lui donner le bracelet. Et l’on suit l’histoire pour
découvrir comment de manière magique et mystérieuse, elle a pu retrouver cette
main, cette fois-ci en or pour clouer le bec à la coépouse jalouse.
Cette fin heureuse fait appel
à ce sens qu’on leur donne. En réalité, étant dieux, les jumeaux ne sont pas à
maltraiter. Aussi, personne ne s’en sort-il jamais indemne après leur avoir
cherché noise.
C’est toujours au nom de ce
caractère que dans « Qui devinera
les noms des princesses ». le roi s’est tu lorsqu’elles ont refusé de
laisser leur nom à la portée de tout le monde et de refuser celui de leu
parent.
4- LA RELIGION
Le thème de la religion
retient particulièrement l’attention pour sa singularité. L’univers du conte
présent souvent un monde merveilleux dans lequel, le roi, hyper puissant règne
sans partage son peuple. Et cela se conçoit en Afrique aisément vu que nos
anciens royaumes sont restés dans ce qu’Apollinaire AGBAZAHOU appela
« gnahounou » c’est-à-dire, la loi du plus fort. Aussi, ayant reçu la
colonisation tardivement avec les missionnaires, on imagine très peu un roi,
s’adonnant à une autre religion que celle traditionnelle.
Pourtant ici, malgré ce
pouvoir de vie et de mort sur ces sujets, malgré le fait qu’il se fait appeler
« La montagne qu’on ne peut déplacer » incarnant la solidité de son
pouvoir, se rend à l’église. Une église chrétienne. Un roi des temps modernes
dirons-nous. Et la trame va être conduite de façon à montrer la supériorité du
christianisme sur le traditionnel.
C’est cela même la
particularité de ce conte. En effet, bien qu’acceptant de mettre pied dans
l’église où se prêche une foi autre, le roi se mettait toujours dans ses
attributs. Pour lui, c’est une distraction, une simple curiosité de pouvoir
étendre son hégémonie partout. Montrer à ses fidèles que ses pouvoirs n’ont pas
de limites.
Aussi, c’est avec grande
surprise qu’il perçoit ce chant glorieux en faveur d’un Être Suprême. Un être
Suprême, dont les pouvoir et limites sont infinis et dépassent l’entendement
humain. Du moins, aucun humain, ne peux l’approcher en la matière. Or voilà que
ce roi revendiquait déjà les attributs de c’un être pareil. Surprise générale
et réaction d’orgueil logique, la suspension d’une telle hérésie à son égard.
Sauf que, justement, et c’est
là que l’option du narrateur parait étrange, malgré la volonté des fidèles,
malgré cette peur qui les immobilisa un instant, une force surhumaine, les
anima au moment de faire le chant, les faisant se surpasser pour faire en sa
présence des chants encore plus glorieux.
Et la métamorphose s’installa.
L’ange de ce Très Puissant va non seulement opérer sur les fidèles pour leur
donner le courage, mais aussi prendre possession du corps du roi qui se croyait
fort. Puis, devenant un simple quidam dans son propre royaume, il aura le temps
de découvrir l’humanité qui est en lui, une humanité avec des limites et des
contraintes, ne pouvant que remercier cette Toute Puissance de l’avoir créer et
de lui laisser encore le souffle : Vanité des vanités, tout est vanité
tente-t-on de conclure à ce niveau.
Cette histoire anodine paraît
simple, mais il laisse cependant perplexe. En réalité, il y a bien eu des
histoires pareilles où de simples citoyens croyant en un Être Supérieur, défie le roi et finit par l’emporter. Il y a
aussi cette conception du panthéon africain, où malgré les nombreux dieux
adorés ou vénérés, tous les rois mettent au-dessus de tous, un Être Suprême.
Peut-être pas avec les mêmes attributs que celui Chrétien ici, mais ils
connaissent généralement leur limite.
Cette histoire ressemble fort
à la récente histoire politique du Bénin, avec un grand dictateur qui régna de
main de fer pendant dix sept ans, mais qui a connu une période creuse où il
s’est ressourcé dans le christianisme, avant de retrouver son fauteuil. Comme
si celui qui l’a remplacé était cet ange de Dieu, venu remettre les choses à
l’endroit, afin de lui montrer ses limites.
Ainsi, ce conte, loin de
retrouver dans un décor lointain, le narrataire se retrouve dans un monde
proche de lui. On peut noter d’ailleurs l’absence dans la formule introductive
de la situation de départ, l’absence d’un locatif précis. « Il y avait une
fois un roi. » C’est tout.
Mais ceci, nous l’étudierons
amplement dans l’étude de cet espace à travers tous les personnages vivent et
évoluent.
II-
L’ESPACE
ET LE TEMPS : UN MONDE A LA FOIS MERVEILLEUX ET FANTASTIQUE
L’une des caractéristiques du
conte est qu’il fait évoluer ses personnages dans un monde à la fois
merveilleux et fantastique. Le merveilleux parce que l’espace est celui de tous
les possibles, le fantastique pour l’imbrication du possible et de
l’impossible.
Mais une distinction s’impose
au niveau de ces notions à partir desquelles l’analyse est faite ? En
effet, la frontière est franchement étanche lorsque l’on évoque le fantastique
et le merveilleux dans le conte. Les deux évoluant tous avec le surnaturel.
Sauf que dans le conte, si le merveilleux incarne des faits acceptés, le
fantastique relève de la surprise.
Et dans le recueil, nous
sommes abondamment dans le merveilleux du premier au vingtième conte mais avec
deux notamment qui font appel à un univers fantastique.
L’espace merveilleux qui se trouve grandement ouvert dans
certains récits et clos pour certains personnages dans d’autres offrent à voir
divers mondes imaginaires mais avec trois connus du narrataire béninois, Le
royaume d’Allada, le royaume d’Adja et le fleuve zou.
C’est avec le conte « Les
princesses jumelles » que le narrateur installe le décor dans ce royaume
d’Adja avec lequel il fait évoluer un autre royaume, celui d’Allada. Si, ici,
l’espace semble ouvert avec la possibilité pour le roi d’Allada d’aller jusqu’à
Adja prendre comme épouse l’une des princesses, tous les personnages n’ont pas
bénéficié de cette ouverture. Car, avec
le handicap, la princesse Zinhoué dut s’interner, avec un espace réduit. Cet
espace qui n’est pas une prison réduit quand même les activités de la
princesse, mais avec quelques possibilités de sortie nocturne, celle au cours
de laquelle elle rencontre le génie lui offrant le bras en or.
Le fleuve zou quant à lui
constitue un espace clos pour Adononsi, retrouvée prise en otage par un énorme
serpent derrière ce fleuve, inaccessible presque. N’eût été les forces
surnaturelles de ces amis elle serait restée dans cet enferment éternellement,
devenant l’épouse du serpent.
Les autres espaces imaginaires, dont les
spécifications ne permettent de les situer dans un espace connu, sont tout
aussi à la fois ouverts et/ou clos.
Ces espaces largement
merveilleux font voir un prince, Hangnan gba qui peut séjourner toute
l’adolescence dans une jungle en compagnie de tous les animaux même sauvages et
revenir aisément dans le monde des vivants, et continuer à éprouver des
sentiments humains, sans passer par des psychologues. Ce merveilleux se
retrouve roi d’Allada qui ne se surprend même pas de la main en or de sa femme.
Le peuple reçoit ce qui en réalité est une métamorphose comme normale car, il
est possible d’avoir une main magique.
Le merveilleux, c’est surtout
tous ces contes d’animaux où hommes et animaux se parlent et se côtoient
aisément. Caméléon et crocodile se parlent, faucon, poule et lézard pour se faire
des reproches et éprouver des sentiments, le lièvre peut venir dans un monde
humain et prendre et compétir ; cherchant à prendre femme. L’hyène peut
opérer un déguisement, et avoir la faculté d’entendre des conversations
humaines, les comprendre et imiter une voix d’homme. Un homme peut avoir une
vision perçante, un autre peut transformer une chaussure en pirogue sans que
cela n’émeuve guère les autres personnages. L’orpheline à l’instar de
Cendrillon peut quitter sa maison en guenilles et apparaître totalement
métamorphosée à la réception du Prince.
Le pauvre homme peut
rencontrer un génie qui transformera sa vie à coup de jet de calebasse. Chaque
calebasse fait apparaître une merveille.
Aussi dans cet espace
merveilleux, pouvons-nous inclure tous les récits de Yogbo qui peut parler avec
autant d’animaux qu’il veut, faire des pactes avec certains, défier d’autres ou
même en piéger. Même avec Alougba qu’il emprisonna dans son tam-tam, si, a
priori, le doute pourrait planer sur le merveilleux à cause du chant du
tam-tam, on peut comprendre aisément que ce tam-tam de Yogbo n’a jamais été
magique.
Ce monde merveilleux n’exclut
cependant pas le fantastique avec les mêmes les mêmes caractéristiques :
ouvert et ou clos.
Avec le tam-tam magique, nous
rentrons dans le fantastique. Déjà avec un espace sous aquatique clos, mais qui
fait manger avec un seul grain de maïs toute une famille composée des objets de
tous genres. Si Sagbo, l’orphelin s’est tu, avec face à ce spectacle
fantastique, son demi frère n’a pas eu le même comportement. Le tam-tam
fantastique avec aussi apparaître avec d’un côté la possibilité de nourrir tout
un peuple à la demande ou de ligoter et faire apparaître des abeilles
bourdonneuses et piquantes.
Le fantastique c’est aussi cet
univers dans lequel, un singe peut opérer sa métamorphe, devenir humain et
reprendre sa forme sismique dès que l’envie lui en pris.
Dans « la fillette qui
fut à l’origine de la saison des pluies et de la saison sèche », tout
apparaît fantastique. La puce qui laboure, le squelette qui se lave, la mort
qui a un entretien en bonne et dure forme avec des humains, qui peur garder
aussi par devers lui un humain dans son monde et le ramener sur terre à sa
guise ; mais surtout des larmes d’une dame qui peuvent attirer la saison
pluvieuse.
Avec le roi qui voulait être
Dieu aussi, l’espace au départ ouvert pour le roi mais clos, puis semi clos
successivement avant être encore ouvert. Avec le défi qu’il a lancé a Dieu, la
trame narrative le conduit enfermé à l’intérieur de l’église dans un premier
temps, puis avec un peu plus de liberté chez lui, mais avec un statut
différent. Le fantastique ici se note avec l’intervention mystérieuse de Dieu.
Une intervention où l’Ange de Dieu intègre le corps du roi et agit comme lui,
faisant du vrai roi, un fou du roi parce que délirant presque.
Le merveilleux et le
fantastique évoluent dans ce recueil. Mais l’on ne saurait évoquer ici, cet
univers sans parler du temps.
Le temps s’observe dans un récit sous deux
angles. Le temps historique c’est-à-dire l’époque et le temps de l’action. Le
conte se situe difficilement dans une époque lointaine imprécise avec l’incipit
de la situation initiale « il était une fois » « il avait une
fois ». L’époque, des contes installe donc les personnages dans un
univers, presque primitifs. Le seul conte du recueil à situer dans un temps
moderne se trouve être « le roi qui
voulait devenir Dieu » avec un christianisme qui s’invite dans un espace
de totalitarisme incarné par un humain.
A l’intérieur des récits, le
temps d’action importe peu au conteur. Quelques fois évoqués, le temps apparaît
comme réparateur d’injustice. En effet, à la fin tous les personnages méprisés,
d’une manière d’une autre, se retrouve comblés et ceux qui méprisent, se
retrouvent méprisés. Le temps est donc
catharsis et cela dans l’étude du style du narrateur, nous pouvons correctement
l’observer.
III-
LE
STYLE
1-
L’ORALITE
Hampâté Bâ disait «
lorsque j’écris, c’est la parole couchée
sur le papier ». Cette vérité incarne se vérifie dans tout
texte de genre oral parce que d’abord inspiré de l’oralité. Le présent recueil
ne se dérobe pas à la règle avec des caractéristiques de
l’oralité visibles.
Un niveau
de langue à accent hypoculturel.
L’énoncé oral, de manière
générale, porte les accents de la culture endogène auxquels se trouvent
combinés les traits
de modernité de
l’écriture. Raouf Mama en
use à bon escient et son écrit en dégage bien des
caractéristiques à commencer par le niveau de langue.
Un niveau de langue courant
que le narrataire observe dès qu’il entre dans le texte avec des formules
introductives typique à la culture des langues « gbe » du sud Bénin. En effet, les
situations initiales commencent par des mots qui ne se comprennent que dans le
langage fon, un peu comme le fait Birago Diop dans les contes d’Ahmadou Coumba.
« Mon histoire prend son
essor, survole contrées et royaumes d’antan » Si la formule est classique,
elle prend des variantes et l’image qu’elle contient distingue nettement les
peuples. Ici, c’est au conte que le narrateur porte des ailes, avec cette
mobilité facile, plus que l’éclair qui le transporte, l’assistance avec, pour
une localité imaginaire dont lui seul détient les caractéristiques.
Ce zoomorphisme indique
clairement le monde merveilleux vers lequel le conteur mène son public et prédispose à toutes sortes d’actions
fantastiques.
Des
dialogues versifiés.
L’autre marque de l’oralité
est cette option faite par l’auteur de proposer les répliques des textes occultant
les règles de typologie en la matière, tout en vers et surtout rimé :
« Hangnan-Hangnan-Gba,
mon fils ! Mon fils Hangnan-Hangnan-Gba !
Que Dieu et les esprits des morts
te bénissent pour avoir sauvé
De la conquête et de la
destruction de la terre de nos aïeux !
Quand tu étais petit, je t’ai
trouvé laid et t’ai abandonné !
Aveuglé par ton apparence, je
n’ai pas vu la beauté qui était en toi,
Que Dieu me pardonne le crime
que j’ai commis contre mon enfant ! »
L’enfant dont personne ne voulait,
« Suis-je ton père pour
qu’ainsi, tu me harcèles ?
De canard ou de pigeon tu
n’auras point. De rien, je ne me départirai !
Là où, tu n’as pas semé, tu ne
peux récolter !
Va sur la place du marché et
vois ce que tu peux acheter ! », La danse de la misère,
« Je volerai jusqu’au
bout de la terre,
Tant que tes souffrances je
n’aurai calmées,
Et ne t’aurai rendu vigueur et
santé,
De repos je ne
prendrai. »
Ces répliques qui jalonnent
les textes instaurent une certaine musicalité, marque de l’oralité, avec les
rimes parfois fausses parfois vraies.
Une
intertextualité patente
Les vers reprenant certaines
répliques ne sont pas les seuls textes avec cette disposition particulière au
niveau des contes. Le conte, à l’oral, à l’instar du roman à l’écrit, est ce
genre qui accepte en son sein, la plupart des genres oraux. Ainsi, l’on conçoit
très mal, un conte qui de la situation initiale à la situation de départ, ne
propose pas une chanson de joie quand le héros est en situation de manque
comblé, ou de détresse quand sa situation se détériore.
Presque tous les contes du
texte sont donc pourvus de chanson. En voici quelques échantillons :
Morceau
choisi 1
« Les fils favoris de mon
père, où sont-ils partis ?
Mon père ‘a jeté dans la
jungle à ma naissance
Les beaux enfants de mon père,
ses enfants chéris,
Qu’ils sauvent ce royaume en
si grande souffrance » L’enfant
dont personne ne voulait,
Morceau
choisi 2
« L’oiseau au sombre plumage, qui jamais ne se réjouit
du malheur d’autrui,
Qui a jamais entendu dire que cet oiseau pilait le
mil ?
Voyez les oiseaux au sombre plumage sont venus piler leur
mil
L’un est venu du nord, l’autre du sud
Un autre venu de l’est, un autre de l’ouest… » Les
Princesses jumelles,
Morceau
choisi 3
« J’avais faim. Regardez, Dieu m’a apporté de la
nourriture.
Il y a un moment, je contemplais la mort, Maintenant je me
réjouis d’être en vie.
Même si la lèpre m’a privé de mes orteils et de mes doigts,
Je m’accrocherai à la vie, car qui sait
Quelles bénédictions Dieu m’apportera »
Morceau
choisi 4
« Le feu brûle et dans la jarre,
L’eau fume, elle est bouillonnante,
Pour relever le défi je me présente,
Que par la puissance de mes vénérables aînés,
L’éminente fraternité des devins,
Je puisse, pour changer, sur les autres
l’emporter ! » Comment le lièvre but l’eau bouillante et épousa la
belle princesse »
En dehors des chansons nous
avons des devinettes à l’intérieur de ou à la fin de certains textes. Ceux-ci,
grande marque de l’oralité, sont destinés à voir, non seulement l’éveil de l’assistance,
mais aussi et surtout le coefficient intellectuel de celui-ci.
Nous avons ainsi le conte
« qui peut dénouer le nom de la princesse » qui est en réalité
entièrement une devinette. » Le narrataire est amené après écoute, à
proposer celui des trois amis de la héroïne à mériter son amour. »
Il ya aussi le conte « le
prince et l’orpheline où il était question de deviner le nom du prince pour
l’épouser ».
Enfin, nous avons le texte au
titre significatif « qui devinera le nom des princesses ». En effet,
il est demandé aux prétendants de proposer des noms que même les géniteurs ne
connaissent pas. Le style utilisé, ce n’est pas de devenir devin, mais de mettre
en œuvre une intelligence, capable d’obtenir d’elles ce sésame précieux pour
les épouser.
2- Une onomastique contextuelle et culturelle
Les noms des personnages des
contes de Raouf quelle que soit les fonctions qu’ils ont, sujet, destinateur,
destinataire, objet, adjuvant ou opposant se révèle presque toujours adéquats.
Ce sont des noms à propos et comme le narrateur l’a indiqué dans l’appendice du
texte « le prince et l’orpheline », « le nom définit la personne et l’on
croit que quiconque connaît votre vrai nom vous tient en son pouvoir. »
L’onomastique dans le recueil va ainsi de pair
avec le contenu narratif et le lecteur ou l’auditeur de l’aire culturelle fon,
se retrouve aisément.
Hangnan-Hangnan-Gba qui est le
premier nom de personnage proposé se retrouve dans cette logique de nom selon
le rôle du personnage. En effet, Hangnan-Hangnan-Gba reste une onomatopée qui
désigne le désordre, la divinité « Lêgba », qui, lorsque l’on ne lui
reconnaît pas sa place, se mêle à tout, casse tout sur son chemin. Les fon l’ont
tellement compris qu’aucune entreprise traditionnelle ne se fait sans qu’au
prime abord, l’on ne lui face des louange à l’instar du panégyrique de
Legba » proposé par le Professeur Mahougnon Kakpo, dans son introduction à
une poétique du Fa. Hangnan-Hangnan-Gba, est donc le Lêgba du royaume de son
père, et tant que celui-ci ne lui reconnaît pas la place qui est sienne, le
royaume sera à la merci de tout ennemi envieux. C’est ainsi que quand il a
délivré le royaume voisin de la méchanceté du royaume voisin, sa place lui a
été reconnu avec une intronisation. Le père lui aussi a dû, toute honte avalée,
reconnaître son tort de l’avoir rejeté, pour bénéficié de ses services
salvateurs.
Zinsa et Zinhoué aussi
incarnent ces noms à résonnance traditionnelle où ce sont des jumelles,
culturellement assimilée au singe. « le Zin » désignant le singe.
Le nom
« Dénangnan » attribué au
prince dont les parents ont perdu tous leurs enfants nés avant lui, relate ce
désir de voir celui-là vivre au moins. Et comme culturellement, celui qui
détient le nom détient la personne elle-même, celui-ci sera gardé secret. L’un
deux vivra.
C’est aussi dans cet esprit
que s’inscrit le nom des quatre jumelles qui elles, ont même caché leur nom
jusqu’à leur géniteur.
Hobami, l’orpheline qui épousa
finalement ce prince a aussi un nom significatif. Littéralement
« Hobami » c’est « la parole m’a cherché ». On pourrait le
comprendre par, innocent, je me suis retrouvé dans un imbroglio, un guet-apens.
Évidemment, avec la mort de sa mère, c’est un véritable enfer qu’elle a vécu
avec la marâtre et ses trois demi sœurs.
Ainsi des noms
« Sèhou », « Atchanminaguey » et autres.
3- De la construction des textes
Les contes du recueil suivent tous le schéma narratif traditionnel des
contes : situation initiale avec une formule consacrée, un élément
modificateur, une série d’actions et une situation finale avec une leçon de
morale sont renforcée par une structuration selon Denis Paulmes, où le héros peut évoluer suivant
trois courbes différentes
Une
courbe ascendante :
Manque- amélioration- manque comblé
Une courbe descendant
Situation normale- détérioration- manque
Une courbe en spirale
Le schéma ascendant
+le schéma descendant.
Avec les contes d’Orphelin, le
schéma ascendant est nettement déterminé avec par exemple « le prince et
l’orphelin » où Hobami, l’orpheline, en situation de manque au départ avec
une maltraitance criarde, a vu sa vie s’améliorer avec la rencontre de la
vielle dame, qui lui indique non seulement le chemin à emprunter, mais surtout
le nom du prince. Elle a eu son manque comblé avec le mariage avec le prince et
la cessation de la maltraitance.
La courbe descendante c’est
par exemple Yogbo dans « Comment Yogbo le glouton a été dupé » avec
une situation normale où c’est lui qui a réussi à tromper la vigilance
d’Alougba, en l’apprivoisa dans son tam-tam. Mais au fil du conte, il y a eu
détérioration avec la ruse des parents de la jeune fille, et le refus de
chanter du tam-tam.
Le schéma en spirale s’observe
avec « le tam-tam magique » où lorsque Sagbo a subi le schéma
ascendant, en sortant victorieusement des griffes de sa marâtre, Sènan s’est
retrouvé à faire la courbe ascendante où il finira ligoté puis bouffé par les abeilles,
dans une situation de manque total.
Au total, le style de Raouf
Mama reste ancré dans la culture fon d’où il a puisé son inspiration pour la
plupart des textes, avec lune particularité qui le voit faire des révélations
sur sa méthode de travail ou sur les rapprochements à faire antre les contes du texte ou entre ceux-ci
et d’autres contes. La morphologie des contes suggérée par Vladimir Propp et
repris par Bernardin Kpogodo qui a aussi travaillé sur les contes du répertoire
de l’aire culturelle « gbe », se retrouve ainsi respectée avec toutes
les caractéristiques possibles.
Anicet Fyoton MEGNIGBETO